La COVID-19, une occasion d’éliminer les soins de faible valeur

Partout au Canada, la pandémie de COVID-19 a poussé les systèmes de santé au-delà de leur limite. Les pics d’infection ont nui à la disponibilité des lits et causé l’épuisement des travailleurs de la santé et des ressources. Dans ces contextes de surcharge, certains systèmes de santé régionaux et provinciaux ont dû reporter les interventions, chirurgies et examens non essentiels.

Durant la dernière année, les Canadiens ont modifié leur recherche de services de santé, comme en témoigne la chute marquée de la fréquentation des urgences et du recours aux soins hospitaliers.

Nous savons que certains reports ont pu entraîner des préjudices pour les patients, mais aussi que d’autres reports d’interventions et de consultations n’ont eu aucun effet de la sorte. Quelles leçons peut-on alors tirer de cette pandémie en ce qui touche les examens et les traitements inutiles ?

Des études montrent qu’avant la pandémie, plus de 30 % des soins de santé n’offraient qu’une faible valeur clinique aux patients. Maintenant que les systèmes de santé se remettent sur pied et reprennent toute la gamme des services prépandémiques, il est essentiel d’éliminer autant que possible ces soins de faible valeur afin que les systèmes aient la capacité d’offrir des services et de s’occuper de ceux qui en ont le plus besoin.

Au sortir de la pandémie, les systèmes de santé subissent une pression importante qui les force à faire plus avec moins. Toutefois, une utilisation avisée des ressources peut permettre de rattraper les retards dans les interventions de façon équitable.

Heureusement, nous pouvons nous appuyer sur un vaste corpus de recherches. Dans le cadre d’un processus national mené ce printemps par l’Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé, processus qui réunissait un panel d’experts constitué de patients, de médecins et de décideurs, nous avons passé en revue plus de 400 recommandations d’associations nationales de professionnels de la santé pour dégager des moyens d’assurer la prestation de soins de grande valeur après la pandémie.

« Ai-je vraiment besoin de cet examen ou de ce traitement ? »

Prenons par exemple le cas d’un urgentologue dans une communauté rurale du sud-ouest de l’Ontario, où le problème des soins de faible valeur est une préoccupation quotidienne. La pandémie n’a fait qu’accentuer certaines difficultés auxquelles sont confrontés les patients des milieux ruraux, qui doivent souvent se rendre dans un grand centre pour obtenir des soins spécialisés et accéder aux ressources de laboratoire et d’imagerie.

Les données probantes montrent que souvent, les longs déplacements, les périodes d’attente pour les examens et la mobilisation des précieuses ressources d’imagerie ne sont pas nécessaires. Le panel d’experts a mis l’accent sur les recommandations visant à éviter l’envoi de patients des milieux ruraux vers les centres urbains lorsque des services virtuels sont accessibles, et à limiter les analyses sanguines et les examens d’imagerie aux cas où ils sont requis pour répondre à une question clinique précise ou orienter un traitement.

Par ailleurs, les tests pré-opératoires non nécessaires peuvent parfois entraîner des préjudices pour les patients en retardant la chirurgie, mais ils peuvent aussi prolonger l’attente de ceux qui ont réellement besoin d’un examen d’imagerie.

Dans les urgences en milieu rural, on voit souvent des patients, des fermiers et des ouvriers qui ont des douleurs chroniques au genou et qui demandent un examen d’IRM. Plutôt que de mettre leurs noms sur une longue liste d’attente et de leur faire parcourir une grande distance pour passer l’examen en ville, on peut leur faire passer un examen radiographique sur place, l’IRM risquant peu de donner lieu à une autre décision ou à un autre plan de traitement. Pas besoin d’envoyer ces patients subir des examens inutiles : un examen physique complet, une analyse de leurs antécédents et une discussion avec eux peuvent aider à poser un diagnostic d’arthrose et à établir un plan de traitement.

La pandémie nous a permis de mieux connaître le système de santé canadien, y compris ses forces et ses faiblesses. Mais nous arrivons à un tournant maintenant que les patients, leur famille et les membres du public se demandent : « Ai-je vraiment besoin de cet examen ou de ce traitement ? » Que ce soit en raison des inquiétudes liées à la COVID-19 ou de la prise de conscience du caractère limité de nos ressources, jamais nous n’avons été plus sensibilisés à nos interactions avec le système de santé.

La réflexion actuelle sur le retour à la normale constitue un moment névralgique. Alors que les fournisseurs et les systèmes de santé tentent de rattraper le retard accumulé dans la prestation de services à ceux qui en ont le plus besoin, il est essentiel d’éviter une reprise des soins de faible valeur.

Tout cela commence par une discussion entre les professionnels de la santé et leurs patients, discussion qui s’amorcera avec ces questions : 1) Ai-je vraiment besoin de cet examen, de ce traitement ou de cette intervention ? 2) Quels en sont les désavantages ? 3) Y a-t-il des options plus simples et plus sûres ? 4) Que se passera-t-il si je ne fais rien ?

Karen Born, Ph. D., est professeure adjointe à l’Institut des politiques, de la gestion et de l’évaluation de la santé de l’École de santé publique Dalla Lana de l’Université de Toronto, et responsable de l’application des connaissances pour la campagne Choisir avec soin.

Ken Milne, M.D., est professeur associé au Département de médecine (Division de la médecine d’urgence) et au Département de médecine familiale de l’École de médecine et de dentisterie Schulich. Il exerce en milieu rural depuis 24 ans.

Source : www.quoimedia.com