De la déstabilisation à la transformation du quotidien

Utiliser l’art pour traduire un lien au mystique et répondre aux questions existentielles. En accueillant Alison Yip, artiste canadienne formée en Alberta avant de poursuivre son parcours en Allemagne, la Contemporary Art Gallery de Vancouver permet au public de se retrouver dans des œuvres texturées et évocatrices des doutes qui peuvent agiter l’esprit lorsqu’il se sent perdu.

Présentée jusqu’au 1er mai 2022, l’exposition Soma Topika éveillera la curiosité tout en apportant une forme de légèreté aux questions et doutes que chacun partage.

Déstabilisation et quête de sens

En s’interrogeant sur la façon dont chacun perçoit le temps, Alison Yip s’est intéressée aux effets de la déstabilisation de ce point de repère en cette période trouble, sur le psychisme humain. De cette réflexion sur le temps a germé l’idée d’une plus grande recherche sur la création artistique. « Cette déstabilisation, conjuguée à l’effondrement de nos systèmes de gouvernance, nous a privés d’une vision claire de l’avenir, ce qui a conduit Alison à rechercher d’autres modes d’orientation pour la création artistique », explique Julia Lamare, Conservatrice associée (par intérim) de la Contemporary Art Gallery.

« L’artiste, curieuse, s’est tournée vers un médium et un néo-chaman pour approfondir son travail artistique… » | Photo de Contemporary Art Gallery

De cette quête de sens est née l’exposition Soma Topika. L’artiste, curieuse, s’est tournée vers un médium et un néo-chaman pour approfondir son travail artistique et trouver des réponses plus créatives et inattendues aux questions et doutes qui la prenaient. Les titres de l’exposition et des différentes séries d’œuvres d’art ont même été suggérés lors d’une des séances psychiques de l’artiste, expliquant leur aura mystérieuse. « [Lorsque] Yip a demandé à chaque praticien “Quel sera le titre de l’exposition ?”, le néo-chaman a répondu […] SOMA T(R)OPICA(L), d’où Alison Yip a tiré le titre de l’exposition », raconte Julia Lamare. Les noms des deux séries d’œuvres composant l’exposition, « Somatic » et « Auratic », sont également issus des réponses obtenues, l’une faisant référence à la réponse du néo-chaman et l’autre à celle du médium : « aura ».

Médium

Chacune des peintures à l’huile de l’exposition représente une question posée lors de ces séances. L’artiste a utilisé des matériaux peu communs et à la texture unique pour faire ensuite jaillir sous son pinceau des scènes aux tons pastel qui semblent sortir d’un songe. Un mannequin de bois y interagit avec d’autres personnages, dans des cadres familiers, et les contours flous de ces scènes contrastent avec l’aspect brut des matériaux utilisés comme canevas. Ce choix de support surprenant est également le fruit des échanges entre l’artiste, le médium et le néo-chaman. « Après avoir posé la question : “Quelles nouvelles techniques/matériaux vont se développer dans ma pratique ?”, le néo-chaman a demandé à Alison Yip de considérer “les intersections de lignes et de papiers, et de peindre en utilisant les couleurs de la terre” », explique Lamare. L’artiste a alors réalisé la série Somatic, suite aux conseils du néo-chaman, dans des tons neutres qu’elle a peint sur des carreaux en faux marbre, faisant ainsi référence aux idées de la terre et du sol. Ces petits tableaux présentent également des collages composés de papiers du quotidien tels que des pages de carnet ou des reçus sur lesquels l’artiste a peint. Tandis que la série aura suit les recommandations du médium qui a conseillé à Alison Yip d’utiliser du métal dans son travail, expliquant la grande variété de textures et canevas de l’exposition.

Récit plus universel

Le petit mannequin articulé, et expressif apporte de la légèreté aux questions existentielles posées par l’artiste et transforme les doutes et préoccupations liées à une période morose en une série de petites bulles étranges et colorées, comme si le public suivait les aventures d’un personnage issu d’un monde surnaturel. Ce mannequin de bois est une représentation de l’artiste elle-même. Ce curieux alter-ego permet à Alison Yip de créer un récit plus universel autour des œuvres mais aussi d’évoquer un sentiment d’étrangeté. Chacun peut se reconnaître dans ce petit personnage anxieux, demandant conseil pour avancer face à l’incertitude.

« Je pense que ce sentiment d’incertitude, qui a contribué à stimuler le processus de création des œuvres, est celui que beaucoup ont ressenti ces deux dernières années », exprime Lamare avant d’ajouter « malgré tous les bouleversements et les difficultés, il peut s’agir d’un moment propice pour envisager d’autres avenirs, d’autres possibilités et d’autres directions, tout comme l’œuvre. »

Car Soma Topika rappelle qu’il est toujours possible de transformer un quotidien terne ou des objets simples en leur donnant un nouveau sens, spirituel ou artistique, et que les échanges et collaborations peuvent apporter de nouvelles idées pour répondre au doute, dissiper les craintes et
donner un nouveau cap.

Pour plus d’informations visitez le : www.contemporaryartgallery.ca