La compagnie artistique Dance House de Vancouver présente le spectacle de danse Story, story, die, du directeur artistique et chorégraphe norvégien Alan Lucien Øyen, au Vancouver Playhouse les 22 et 23 juin.
L’histoire met en scène l’étroit maillage entre les mensonges et l’amour qui saturent la société actuelle flashée d’autoportraits, où le point de mire est sur l’illusion plutôt que la réalité. Entretien avec l’artiste scandinave qui lève les filtres d’un monde toujours plus – paradoxalement – déconnecté.
Observation et composition
Si la pièce est décrite comme « une déconstruction des pathologies contemporaines que sont le besoin et le narcissisme », Alan Lucien Øyen ne considère pas Story, story, die, comme une histoire inspirée de faits réels mais comme une « série d’impressions et de saynètes, qui par chance auront du sens une fois mises à bout, en s’appuyant sur ce qu’(il) appelle une narration ouverte ». Au cours du processus créatif, il a invité ses danseurs à partager leurs propres vécus sur la base du volontariat, arguant que « si la base de ce qu’ils dansent vient d’eux, s’ils partagent leur propre histoire, l’interprétation peut alors mieux les imprégner ». Le tout, dans le but pour le spectateur « d’avoir la possibilité de voir les contours [de cette narration] et de la suivre, et qu’elle soit assez accessible pour qu’il puisse se l’approprier sur la base de ses propres expériences ». Il précise aussi être « passionné par la dichotomie entre fiction et réalité depuis son tout premier spectacle » et conclut sur celui-ci par le fait que « en un sens, tout est vrai et fictionnel ».
Le choix de cette thématique de la présence numérique poussée et souvent scénarisée, qui fait débat à bien des égards, a été motivé par sa volonté de « créer une pièce sur tout ce que nous faisons pour nous sentir aimés ». La pièce invite pendant 90 minutes à questionner la quête ininterrompue et sans merci de la validation extérieure, habitudes sociales rendues d’autant plus complexes par la place corrosive des réseaux sociaux. C’est pourquoi Story, story, die s’ouvre sur les questions récitées à voix haute sur fond de piano qui s’intensifie ‘Comment va ta vie ? Es-tu heureux ? Combien as-tu d’argent ?’. Les danseurs incarnent alors en mouvements ces intrusions récurrentes et les émotions qui en découlent : surprise, effroi, solitude.
Le style Øyen
Comme toujours avec celui considéré comme un des plus en vue sur la scène norvégienne, le spectacle est à mi-chemin entre théâtre et danse. « Je considère la ligne comme très fine, voire invisible, entre la danse et le théâtre. Pour moi c’est vraiment deux choses semblables. Donc il y a beaucoup de mots associés aux mouvements ». Il ajoute de plus « être très passionné par le cinéma », mais rien ne l’émeut comme y arrivent les paroles.
Cette puissance de signification se ressent dans la scénographie. Si d’aucuns peuvent penser que le choix des costumes fait référence aux tenues de la plupart des influenceurs, voyantes et à la mode, il réplique que « les danseurs sur scène doivent être des personnes à qui l’on peut se comparer. On essaie de se représenter leurs personnalités d’après leurs costumes. Et de souligner ce dont on a besoin de leur part : « vulnérabilité et force ».
Sur la question de la musique accompagnante, il répond que « cela représente tout » et d’appuyer : « J’aspire à créer une expression cinématographique sur scène. Je travaille beaucoup avec les musiques de film. Et j’adapte le texte aux performances. », lui qui est par ailleurs également dramaturge.
L’artiste relève par la suite qu’une petite partie du travail de mise en scène s’est déroulée à Vancouver, en raison du calendrier de deux de ses danseurs, et « que c’est une semaine magique qui a beaucoup influencé le travail. Je suis tombé sous le charme de Vancouver », confie-t-il.
Correction d’exposition
À la question de savoir s’il aurait un conseil à donner pour un usage des réseaux sociaux sans impact négatif, lui qui a travaillé dans plusieurs pays et a pu observer l’utilisation qui en est faite dans plusieurs cultures, il dit ne pas être à même de donner des conseils, et que ce n’est pas non plus le but de la pièce. « Je pense que les réseaux sociaux sont une articulation extrême des structures sociales humaines. Et comme tout ce qui est accéléré par les algorithmes, c’est d’autant plus extrême. Mais au bout du compte, c’est la nature humaine et les rites sociaux qui sont articulés ».
Information et billetterie sur : https://dancehouse.ca