Coup de projecteur sur Cecilia Benoit et H. Nigel Thomas, récipiendaires des prix Molson 2022

La gagnante et le gagnant des prix Molson 2022 du Conseil des arts du Canada sont, dans la catégorie Sciences sociales et humaines, la sociologue Cecilia Benoit et, dans la catégorie Arts, le romancier, poète et critique littéraire H. Nigel Thomas.

Chaque année, le Conseil décerne deux prix Molson de 50 000 $ à des figures canadiennes remarquables du domaine des sciences humaines et sociales et du domaine des arts. Financés grâce aux revenus d’une dotation de 1 M$ accordée au Conseil des arts du Canada par la Fondation Molson, ces prix encouragent les personnes primées à continuer de contribuer au patrimoine culturel et intellectuel du Canada. Le Conseil des arts administre ces prix en collaboration avec le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH).

Pour l’occasion, il a été demandé à la gagnante et au gagnant de cette année de réfléchir à leur travail, notamment aux leçons se dégageant de leur carrière, aux avantages de la prise de risques et à leurs sources d’inspiration.

Cecilia Benoit

En 2022, le Conseil des arts du Canada a remis un prix Molson à Cecilia Benoit, l’une des chercheuses les plus influentes du pays en sociologie, pour sa carrière remarquable.

La sociologue Cecilia Benoit et le romancier, poète et critique littéraire H. Nigel Thomas. | Photos de Conseil des arts

Scientifique au Canadian Institute for Substance Research et professeure émérite en sociologie à l’Université de Victoria en Colombie-Britannique, Cecilia Benoit a dirigé des travaux universitaires avant-gardistes sur l’intersection des notions de genre, de classe et d’autochtonie, et mené des recherches inédites démontrant la contribution de la profession de sage-femme aux soins prodigués aux femmes enceintes et à leur famille.

En 2020, elle s’est vu décerner le prix Killam dans la catégorie des sciences sociales ainsi que le Prix du pionnier en santé publique et des populations dans la catégorie Chercheur chevronné, décerné par les Instituts de recherche en santé du Canada.

De quelle réalisation professionnelle êtes-vous la plus fière ?

Il y a trente ans, au Canada, les femmes qui exerçaient le rôle de sage-femme sans permis faisaient face à des accusations au criminel. Mes recherches et celles de mes collègues ont démontré que le recours à des sages-femmes formées pouvait représenter une option sûre et non médicale pour la majorité des femmes – autochtones et allochtones – devant accoucher. Nous avons ensuite vu une légalisation et un financement public de la maïeutique dans la plupart des régions du Canada, ce qui est une réussite exceptionnelle dans ma vie.

La prise de risque est aussi souvent associée au succès professionnel – avez-vous déjà pris des risques qui se sont révélés essentiels à votre réussite ?

Au début de ma carrière universitaire, un organisme local m’a demandé de l’aider à concevoir un projet de recherche sur les conditions de pratique des travailleuses et des travailleurs du sexe, leur état de santé et l’expérience vécue à leur sortie du milieu. À l’époque, même si je ne savais pas comment fonctionnait cette activité, j’ai accepté. J’ai misé sur les connaissances que j’avais sur d’autres activités genrées et axées sur la notion de soin, et sur les difficultés qu’ont les travailleuses et travailleurs marginalisés à obtenir de la reconnaissance publique et des conditions de travail acceptables. Le projet a été financé, puis j’ai accepté de mener l’étude.

Ça fait 25 ans, et je réalise toujours des recherches en collaboration avec des travailleuses et des travailleurs du sexe de partout au pays. Nous cherchons à faire ressortir les iniquités sociales découlant des lois et les pratiques restreignant la vie de ces personnes.

H. Nigel Thomas

Le Conseil des arts du Canada a remis un prix Molson 2022 à H. Nigel Thomas pour son apport inestimable à la littérature.

H. Nigel Thomas est l’auteur de six romans (Easily Fooled, Fate’s Instruments, No Safeguards, Return to Arcadia, Behind the Face of Winter et Spirits in the Dark); de trois recueils de nouvelles (When the Bottom Falls out : and Other Stories, Lives : Whole and Otherwise et How Loud Can the Village Cock Crow and Other Stories); et de deux recueils de poésie (Moving through Darkness etThe Voyage).

Il a remporté en 2000 le Prix du professionnel de l’année Jackie-Robinson décerné par L’Association montréalaise des gens d’affaires et de profession de race noire, le prix Hommage aux créateurs de l’Université Laval, le Prix du mérite Martin-Luther-King-Jr. de la compagnie Black Theatre Workshop, et le Prix de la communauté Judy-Mappin de la Quebec Writers’ Federation. 

Quels obstacles avez-vous dû surmonter dans votre carrière ?

Je suis né à Saint-Vincent, et j’ai dû surmonter la pauvreté durant mon enfance et de la persécution pour ce que mon entourage interprétait comme des tendances gaies. À Montréal et à Québec, les comportements racistes et xénophobes ont été les obstacles les plus importants.

Contrairement à la majorité des jeunes auteurs, je n’ai pas eu de difficulté à publier mon premier roman. Ensuite, par contre, il a essentiellement été ignoré. Je soupçonne qu’il ne correspondait pas à ce qu’on attendait, en Occident, d’un auteur noir. Il ne cadrait pas avec la trame narrative occidentale dominante. Dans les années 1990 et 2000, des agences littéraires nous ont informés, moi et d’autres auteurs noirs, que les éditeurs dédaignaient à nous publier parce que nos livres ne se vendaient pas. Les personnages gais de mes œuvres constituaient un problème supplémentaire. Heinemann, la maison ayant coédité mon premier roman, m’avait averti que la dimension homosexuelle de mon œuvre rebuterait les publics noirs et caribéens. C’est effectivement ce qui s’est passé. Je suis reconnaissant à la Mawenzi House et à Guernica Editions, qui ont publié mes neuf derniers livres.

Quel conseil donneriez-vous aux auteures et auteurs en devenir ?

Je leur dirais de lire attentivement ce qui se fait de mieux du côté des nouvelles et de la poésie, de suivre leur imagination, d’écrire, d’écrire encore et d’ignorer les exigences du marché. (J’ai laissé passer ma première chance de publier Spirits in the Dark, mon premier roman, parce qu’il n’était pas encore là où j’aurais aimé qu’il soit.

Source : https://conseildesarts.ca/pleins-feux/2022/05/les-laureats-du-prix-molson-2022