Le « Jour du dépassement » : véritable métrique de la soutenabilité

Le 28 juillet dernier, le Think Tank américain Global Footprint Network annonçait le « Jour du dépassement » pour l’année 2022. Vous savez ? Cette date de l’année à partir de laquelle l’humanité a consommé l’intégralité des ressources naturelles qui avaient été mises à sa disposition.

Mis au point en 1990 par Mathis Weckernagel alors doctorant de l’Université de Colombie-Britannique et aujourd’hui Président du Global Footprint Network, le « dépassement » exprime la différence entre toutes les consommations de nature par l’homme (empreinte écologique) et toutes les productions de nature par la planète (biocapacité).

La biocapacité mesure les surfaces productives en incluant les champs, les pâturages, les forêts, les pêcheries et les terrains construits mais aussi les services écologiques comme l’absorption du carbone par les forêts. L’empreinte écologique mesure la pression des consommations humaines sur ces ressources écologiques. Les deux variables se mesurent en « hectares globaux par personne » (hag).

SI
Empreinte écologique > Biocapacité
ALORS
Dépassement écologique

En 1971, le jour du dépassement tombait fin décembre. La consommation humaine était techniquement soutenable puisqu’une seule planète suffisait. Cinquante ans plus tard, nous épuisons nos ressources annuelles de biocapacité en huit mois. Il faut 1.75 planète pour répondre à un tel rythme de consommation. Par conséquent, les quatre derniers mois de l’année sont empruntés aux générations futures.

Le Canada présente une biocapacité phénoménale avec 15 hectares globaux par personne et par an. Et pourtant, au niveau mondial, la biocapacité annuelle disponible n’est que de 1,6 hag par personne.

Côté empreinte écologique, l’insatiable appétit de consommation des Canadiens requiert 8 hag. Pour imaginer, si tout le monde vivait comme les Canadiens, le jour du dépassement serait atteint dès le 13 mars ! Autrement dit, au Canada, on consomme à hauteur de cinq planètes par an ! Cela va sans dire, ce mode de vie n’est pas soutenable. Seuls le Qatar, le Luxembourg, les États-Unis et les Émirats Arabes Unis font pire. Pour y voir plus claire, chacun peut faire une simulation sur www.footprintcalculator.org

Et pourtant, la consommation soutenable existe en 2022. Cameroun, Côte d’Ivoire, Jamaïque, Équateur ou encore Uruguay sont des pays dans lesquels la population s’en tient à une seule planète.

Exemples avec l’empreinte écologique de l’Uruguay (1,3 hag) et le Canada (8,1 hag). En 2022, la biocapacité mondiale vaut 1,6 hag par personne.

365 x (1,6/1,3) = 449 jours pour qu’un Uruguayen moyen épuise son budget écologique : c’est sobre et soutenable.

365 x (1,6/8,1) = 72 jours pour qu’un Canadien moyen épuise son budget écologique : ce n’est pas soutenable. C’est déficitaire et donc injuste.

Emballé dans un concept accessible à tous les esprits, le jour du dépassement propose une métrique scientifique de la soutenabilité qui mérite d’être diffusée pour bien comprendre d’où nous partons, et où nous devons aller.

Pour atteindre la soutenabilité, tout reste à faire ! Il faut commencer par repousser le jour du dépassement, et c’est l’objet de la campagne #MoveTheDate !

Résultat de l’empreinte écologique du chroniqueur : www.footprintcalculator.org | Photo de www.footprintcalculator.org

Au Canada, pour celles et ceux qui veulent agir, voici les priorités : devenez le plus végétarien possible. Commencez par le bœuf puis les laitages car nous devons en terminer le plus rapidement avec l’élevage animal comme en a clairement fait la démonstration Georges Monbiot, écrivain et chroniqueur britannique. Surveillez les températures d’intérieur : 19°C en hiver, 27°C en été sont les maximales décrétées par l’Espagne pour économiser l’énergie. Si vous conduisez une voiture au quotidien, ne conduisez jamais seul. Partagez vos voyages avec d’autres passagers (covoiturage) ou partagez l’usage de votre voiture (autopartage). Si vous êtes un voyageur régulier en avion, profitez de votre dernier vol. L’avion tout comme la consommation régulière d’animaux sont une indulgence que nous ne pouvons plus nous permettre.

Maintenant, si vous voulez contribuer sérieusement au plus grand et plus complexe des défis de notre temps : formez-vous ! Commencez par calculer votre empreinte écologique sur www.footprintcalculator.org. Exploitez les métriques et planifiez une réduction ambitieuse, mais progressive. Veillez à réduire votre empreinte carbone de moitié d’ici 2030 pour ne pas dépasser sept tonnes de CO2 par personne et par année (objectifs canadiens). Partagez vos efforts et vos découvertes dans la vie privée comme dans la vie professionnelle. C’est ainsi que les bonnes pratiques se diffusent.

Chemin faisant, lisez ! Lisez les rapports de synthèse du GIEC sur le climat et ceux de l’IPBES sur le vivant. Suivez sur les réseaux sociaux des scientifiques reconnus et influents. Par exemple, la climatologue Valérie Masson-Delmotte. Formez-vous et laissez-vous prendre d’intérêt en rejoignant régulièrement des groupes de discussion, des séminaires et des évènements.

Vous pouvez prendre part aux excellents ateliers « Fresque du Climat » qui sont désormais disponibles au Canada. Ces ateliers sont toujours une belle occasion de phosphorer sur les actions à mettre en place.

Plus que jamais, les grands défis de la soutenabilité ont besoin de votre énergie, de votre intelligence et de votre force d’influence !

Aloïs Gallet est juriste, économiste, co-fondateur EcoNova Education et Albor Pacific ainsi que conseiller des Français de l’étranger.