Le langage de l’eau

Laisser parler les écumes pour tenter de capturer la nature changeante et captivante de l’eau dans son art. Dans sa nouvelle exposition Tracing Waters, l’artiste torontois Ed Pien offre une incursion dans plus de vingt ans de travail artistique. Exposée du 16 septembre au 12 novembre 2022 au Centre A, les œuvres de cet artiste polyvalent et engagé interrogent le rapport de l’humain à son voisin le plus important sur la planète bleue.

Photo d’Ed Pien

En mariant l’art au traçage naturel des eaux, Ed Pien laisse place à la nature sur sa toile et donne une voix à cette ressource naturelle trop souvent ignorée ou considérée comme passive et inépuisable. Avide d’activités en plein air dans les années 70 et 80, l’artiste entame un travail mettant en avant la nature dans ses œuvres et prend conscience de la portée des activités humaines sur son environnement. « Chaque fois que je me trouvais près d’une étendue d’eau comme un lac, il était troublant de penser que parfois, plus l’eau est claire, plus elle est morte, qu’aucune créature vivante ne peut y survivre à cause de l’impact des pluies acides », raconte Ed Pien. L’artiste réalise alors quelques peintures de lacs limpides, vus d’en dessous et dépourvus de toute créature. Ces eaux claires comme du cristal sont en fait sans vie.

Essentielle

Puis, alors qu’il était invité à présenter une exposition à Winnipeg, Ed Pien décide de créer une œuvre unique intégrant littéralement de l’eau, recueillie à différents endroits sur la route de Toronto à Winnipeg dans les années 1980. Son périple lui permet alors de s’intéresser aux différentes couleurs, sédiments et débris retrouvés dans les eaux à travers le Canada. L’artiste tourne alors son regard vers les comportements et modes de vie mais aussi les solutions qui s’offrent aux humains pour pouvoir vivre en harmonie avec cette ressource essentielle à la vie.

L’artiste torontois Ed Pien. | Photo d’Ed Pien

« Ce qui m’intéresse, c’est de savoir comment, en tant qu’individus, nous pouvons négocier et agir dans le monde de manière responsable, respectueuse et empathique. Avec ces idées en tête, j’ai également exploré la sensibilité de la nature, en particulier de l’eau. J’en suis venu à comprendre le monde plus qu’humain comme un monde ayant une mutualité, une vivacité, une créativité et des vies bien colorées », avance l’artiste.

Épopée sous son crayon

Et c’est aussi grâce à cet intérêt pour les relations complexes entre l’homme et l’eau que la résidence de deux mois à Amsterdam accordée à Ed Pien en 1999 lui donna l’inspiration derrière Two Worlds. Cette suite de douze dessins est en effet née de la rencontre de l’artiste avec les innombrables peintures représentant des batailles navales dans un musée local. Les peintures flamandes ont fait grande impression sur Ed Pien qui imagine alors une épopée sous son crayon. « Pour la plupart des pays, dont la Hollande, qui revendiquent leur indépendance, la guerre semble inévitable. Comme une partie de la Hollande se trouve sous le niveau de la mer, j’ai imaginé un scénario où des créatures marines se battent avec des citoyens terrestres », explique l’artiste. Dans ce monde imaginaire où la guerre fait rage, et où chaque camp sème la mort dans le but d’obtenir la domination et le contrôle des eaux, naissent des êtres hybrides issus du métissage entre le monde aquatique et l’homme. La longue guerre prend alors fin car il est devenu impossible de distinguer les deux factions d’origine.

Ces créatures chimériques qui peuplent les toiles de l’artiste ne sont pas une mise en garde mais plutôt un récit d’optimisme où il est possible qu’un jour la guerre appartienne au passé.

Dans cette exposition, Ed Pien invite le public à faire la paix avec son environnement, à repenser à son poids dans les décisions qui pourrait impacter ce futur commun à l’être humain et son écosystème. « J’espère [qu’après avoir vu Tracing Waters], il y aura un changement de perception de la part des spectateurs, [qu’ils réalisent] que l’eau est plus qu’un produit de base et une ressource qu’on peut s’attribuer », ajoute l’artiste.

Mais Tracing Waters célèbre également l’eau dans toute sa puissance créatrice. Ed Pien souligne son rôle essentiel dans le développement du monde et de nos cultures, et invite à adopter un rapport envers l’eau empreint de gratitude et de respect. Ed Pien, en résidence à la Historic Joy Kogawa House depuis le 15 août et jusqu’au 30 septembre, travaille en ce moment sur une nouvelle œuvre, un large dessin, auquel l’eau de pluie participe.

Pour plus d’information, visitez : wwww.centrea.org

Vernissage le vendredi 16 septembre de 18h à 19h.