La sale bête

Finalement je l’ai eue ou plutôt elle m’a eu. Après l’avoir fui et ayant réussi à lui échapper depuis presque trois ans déjà, la COVID, perfide, rusée comme pas deux, m’attendait au tournant. Elle m’a attrapé, sournoise qu’elle est, durant un moment d’inattention de ma part alors que j’avais le dos tourné croyant l’avoir semée en cours de route.

Madame, cette sale bête, m’avait à l’œil et guettait ma moindre défaillance. Elle connaissait mes faiblesses et a fait preuve de patience pour finalement me prendre au piège. Cette chipie s’est emparée de moi malgré toutes les précautions que j’avais prises pour la tenir à distance. Démasqué je devenais vulnérable. Les quatre doses de vaccin, le lavage de mains et toutes sortes d’autres mesures de protection, elle n’en a eu cure. Qui mieux est : elle a réussi à me tenir à l’écart de toute activité physique. C’est vous dire jusqu’à quel point, tel qu’elle est, elle me hait.

Selon le protocole je me suis donc retrouvé coincé chez moi à observer la quarantaine bien qu’à mon âge je l’ai depuis longtemps dépassée. Alors que faire quand on n’a rien à faire ? Je me suis posé la question en tentant de trouver une réponse ou plutôt en espérant trouver des solutions destinées à vaincre mon oisiveté imposée par un virus mal viré.

Le premier jour, passé à composer avec le rhume, la toux, l’inconfort et la fatigue, cadeaux laissés subrepticement, à mon insu, par la satanée COVID, ma première réaction fut de me planter devant la télévision à regarder des séries qui se ressemblaient les unes aux autres et qui n’en finissaient pas d’en finir.

Des manifestations en Iran. | Photos de Daresh et Rene Asmussen

Désabusé, par automatisme, les jours suivants, j’ai changé de cap. Je me suis mis à zapper sur les chaînes d’information en continu. Sans arrêt, alors que j’étais alité, les nouvelles se sont empilées à me donner l’envie de me cacher sous mes draps. La première qui m’est tombée dessus comme une rondelle sur la glace, sans la briser, impliquait les dirigeants de Hockey Canada qui ont pris beaucoup de temps à comprendre que les actions de leur organisme n’étaient pas OK. Sous le coup de toutes les attaques qu’ils subissaient, leur défense a flanché. En désavantage numérique ils se sont retrouvés au banc des pénalités. Puis, à force de patiner sur un terrain glissant, ils ont fini par céder. Pas de prolongation pour eux.

Il était temps de passer à autre chose : le prix de l’essence par exemple. Ce dernier a bondi vers des sommets jusqu’alors jamais égalés. À ce régime tout le monde fait le plein… de rage. Plutôt opaques ces pays de l’OPEC (OPEP). Pour qui nous prennent-ils, des cloches en partance pour Rome à Pâques ? D’ici à ce qu’on rende l’horrible COVID responsable de cette hausse, il n’y a qu’un baril de pétrole à franchir.

Au milieu de ce brouhaha médiatique, alors que l’avide COVID recommençait à faire des siennes, survenaient les élections municipales. La mairie de Vancouver se trouve avec un nouveau locataire. Le maire sortant, Kennedy Stewart, malgré le soutien des pompiers de la ville, n’a donc pas fait long feu; un mandat seulement. Son adversaire, par contre, Ken Sim, qui avait été endossé par le syndicat des policiers, l’a emporté « haut les mains ». Ça me fait penser : contrairement à Ponce Pilate, j’ai oublié de me laver les mains. La COVID s’en régale.

Encore aujourd’hui, les nouvelles en provenance de l’Iran percent l’écran de ma télévision. J’en oublie la féroce COVID. Au pays des mille et une nuits, les jours sombrent dans la noirceur de la répression. En Iran ça barde. Tout en caressant leur barbe, les autorités religieuses du pays, ces gens pieux, répriment sans pitié toute forme de contestation. Depuis que le Shah n’est plus là, les ayatollahs dansent. Pas très perspicaces ces dirigeants perses. Ah ! maléfique COVID, tu me fais dire des bêtises. Sûrement, je mérite ton châtiment.

Enfermé chez moi depuis trop longtemps à la merci de la COVID, je commence à délirer. Avec effroi je constate la mauvaise direction vers laquelle se précipite notre monde. Tel un navire à la dérive, il vire complètement à droite et se dirige tout droit vers un abîme d’une profondeur insondable. Quelle galère. Ainsi en Italie ça fascise à qui mieux mieux. À la porte du pouvoir, Giorgia Meloni nous promet un fâcheux retour au fascisme du duce. Ma perchè ? En Suède de même, la droite et l’extrême droite s’emparent du pays. Ils me font suer, ces Suédois.

Mais alors, que fait la gauche ? Tout comme moi, elle doit être victime de la monstrueuse COVID et a décidé de se mettre en quarantaine. La question est de savoir jusqu’à quand ?