« Qu’est ce qui compte le plus ? L’art ou la vie ? Est-ce que [l’art] vaut plus que la nourriture, que la justice ? Êtes-vous plus inquiets de la protection d’une toile ou de la protection de notre planète ? […] Des récoltes sont perdues, des millions de personnes meurent des pluies [diluviennes], des feux de forêt et des sécheresses. Nous ne pouvons plus nous permettre de nouveaux projets pétroliers ni gaziers. Ça va prendre tout ce qu’on a ! »
Tels sont les mots prononcés par deux jeunes activistes britanniques du mouvement JUST STOP OIL. Le 14 octobre, elles ont aspergé de soupe à la tomate le fameux tableau de Van Gogh Les Tournesols exposé à la National Gallery de Londres.
Au plan de la communication, cette opération choc est un succès. La vidéo qui a immortalisé l’action est devenue virale en quelques minutes. Les réactions sur Twitter ne se sont pas fait attendre. Nombreuses sont les personnes qui ont insulté les jeunes activistes « d’irresponsables », « idiotes », « imbéciles » ou encore « terroristes », au motif que « Van Gogh n’a rien à voir avec le climat », « il y a d’autres moyens de se faire entendre ». Ce que ne savaient pas ces twittos précoces, c’est que la peinture était protégée derrière une vitre. Les Tournesols sont intacts.
Sur le fond, cette action directe a eu le mérite de ne causer préjudice à personne. JUST STOP OIL est un mouvement qui s’oppose à la délivrance de nouveaux permis d’exploitation des hydrocarbures responsables d’un changement climatique qui ruine et qui tue. La cause est légitime et supportée par l’immense consensus scientifique mondial sur le climat. Des scientifiques du climat désespérés mènent actuellement d’autres actions directes.
JUST STOP OIL pose ici la question des valeurs prioritaires dans sa forme la plus simple : le génie humain d’hier vaudra-t-il encore quelque chose demain ? A fortiori, que valent réellement l’économie, les marchés et les emplois d’aujourd’hui s’il ne reste que chaos, violence et désolation demain ? Ces jeunes ont la lucidité et le courage qui manquent encore à la bien-pensance et à nombre d’adultes en position de responsabilité.
Quelques jours plus tôt, c’est Greta Thunberg qui dans un article du Guardian interpellait, non pas les dirigeants d’entreprises polluantes dont la seule mission est de générer un profit, mais plutôt les dirigeants politiques qui ont librement choisi de solliciter la confiances du peuple, promettant sécurité, espoir et leur prospérité. L’activiste suédoise insiste sur le fait que l’avenir des générations futures et présentes est en train d’être volé par les pays pollueurs du Global North. Les dirigeants ont besoin de se doter d’inventaires carbones complets et sincères pour enfin envisager des solutions conformes aux lois de la physique. Les termes « Net Zéro » et « compensation carbone » sont des mots qui peuvent être dangereux puisqu’ils nous font perdre le peu de temps qu’il reste pour agir. Greta Thunberg conclut ainsi : « Je dis ÇA SUFFIT ! […] Nous nous approchons d’un précipice. Et j’en appelle à tous ceux qui n’ont pas encore été complètement green washés de leur bon sens : TENEZ BON ! Ne les laissez pas nous conduire [un centimètre] plus près du bord. Ici et et maintenant : ON TRACE LA LIGNE ROUGE. »
J’ai remis une copie de ce texte en main propre aux membres d’une délégation interparlementaire franco-canadienne lors d’une réception organisée le 11 octobre. J’espère que ce texte saura les émouvoir et les rallier un jour du côté du courage et de l’honnêteté commandés par l’urgence climatique.
Aloïs Gallet est juriste, économiste, co-fondateur EcoNova Education et Albor Pacific