Après Pâques, les cloches sont revenues, par habitude ou par tradition. Et depuis, tout cloche. À titre d’exemple, je vous soumets deux irritants. Le premier me ramène au dernier budget fédéral.
Après l’avoir digéré, je suis maintenant en mesure d’en parler avec un peu plus de recul. Je peux le replacer dans son contexte et le mettre en perspective. Avec un regard plus serein, je peux davantage faire preuve d’objectivité. C’était, il faut bien le dire, un budget pré-pascal. Oui, les Canadiens se sont fait sonner les cloches, juste avant qu’elles partent pour Rome. Le gouvernement de HarFaitPeur nous a pris pour des enfants de chœur. Le petit congé de Pâques allait nous rendre amnésiques et nous faire oublier que ce budget clochait. Depuis, on n’en parle guère.
Par contre, le gouvernement conservateur et son ministre de la Défense se font, à juste titre, sonner les cloches au sujet des F-35. Une bourde qui n’est pas sans rappeler l’aventure des sous-marins britanniques. Mais revenons au budget. Il a été analysé de fond en comble et sous toutes les coutures. Les journalistes, les experts, les politiciens l’ont tous commenté. Je n’ai donc pas grand-chose à rajouter, si ce n’est mon mécontentement et ma désapprobation. Principalement par rapport aux coupures. Toutes provoquent en moi une révolte difficile à maîtriser.
Toutefois, une mesure me chagrine au plus haut point. Je ne ressens aucune colère. Simplement de la tristesse. À son annonce, j’ai eu la larme à l’œil. Vous l’avez compris, il s’agit de la disparition prochaine du sou. La piastre comme on avait l’habitude de l’appeler au Québec. Sans ce sou, je me sens sens dessus dessous. Un sou, ça compte. Or, bientôt le sou ne vaudra plus une cent. Les anglophones vont avoir du mal à remplacer plusieurs de leurs formules colorées, du genre : « A penny for your thoughts ».
Et que dire de la langue française ? Elle va en souffrir. Rien que d’y penser, j’en ai mal au cœur. Avec la disparition du sou ce sont les expressions auxquelles nous sommes habitués, auxquelles nous sommes attachés, auxquelles nous tenons, qui vont en prendre un coup. Imaginez. On ne pourra plus dire, comme nous l’indique le Petit Robert : « Propre comme un sou neuf, un sou est un sou, économiser jusqu’au dernier sou, être près de ses sous, s’embêter à cent sous de l’heure, pas compliqué pour un sou ». Et surtout, plus de machine à sous… Donc, inutile de vous dire que je me fais du souci si nous sommes sans le sou.
Mais, que faire ? Sans doute faudrait-il créer un comité de soutien du sou qui irait manifester sous le balcon du Premier ministre. Cette idée ne vaut pas un clou ? Alors, à quand la disparition du clou ? Et pendant que j’y suis, deuxième irritant, j’aimerais sonner les cloches de ceux qui, au département d’ingénierie de la ville, ont décidé d’interdire l’utilisation de la cornemuse dans les rues de Vancouver, sous prétexte que son son agace. Son son fait du bruit. Un bruit, selon les dires du département, gênant, incommodant. Cette décision, vous l’avez peut-être remarquée, a été prise sans faire trop de bruit. Vancouver a d’autres cornemuses à fouetter. Le maire de la ville, Gregor Robertson, d’origine écossaise, par contre, s’est offusqué. Kilt à l’appui, il est monté aux barricades. Prêt à aller jusqu’au bout pour défendre cette noble cause. J’aimerais qu’il fasse preuve d’autant d’ardeur lorsque l’enjeu est plus sérieux.
J’appuie toutefois sa démarche. Bien qu’insupportable à mes oreilles, le son de cet instrument, qui ressemble à une mamelle de vache dans laquelle on souffle et d’où il ne sort pas du lait mais un bruit infernal qui vous fait grincer des dents, n’est pas des plus heureux. Mais de là à en interdire l’usage… il y a de quoi se révolter. Je ne suis pas venu vivre à Vancouver pour suivre une cure de sommeil. Il y a définitivement quelque chose qui cloche au service des travaux publics de la ville. Pense-t-on que le bruit des marteaux-piqueurs, que l’on entend à longueur de journée, nous est plus agréable ? Croit-on, dans ce service, que le bruit des sirènes d’ambulances ou celui des camions de pompiers ou bien encore celui des voitures de police qui viennent perturber nos nuits, nous soient douces et légères à l’ouïe ? Et que dire de la symphonie des tondeuses, souffleuses, tronçonneuses, le week-end ? Allons mesdames et messieurs du département d’ingénierie, soyez raisonnables. Ou alors, la prochaine fois, lorsque les cloches iront à Rome, accompagnez-les et restez-y. Vous verrez ce que c’est que le bruit.
P.S. : Petit rectificatif : je viens d’apprendre, aux dernières nouvelles, que la ville serait revenue sur sa décision. Fort bien. Maintenant il suffira de serrer les dents et de se boucher les oreil- les. La cornemuse pourra continuer à charmer les muses. Amusant, n’est-ce pas ? Quant à moi, pour avoir pondu cet article un peu trop tôt, voulant respecter l’heure de tombée, je vais sans doute me faire sonner les cloches par la direction du journal.