Le tout Ottawa a récemment été captivé par un divertissement politico-sportif. Vous avez sans doute deviné qu’il s’agit du combat de boxe entre le sénateur conservateur Patrick Brazeau et le député libéral Justin Trudeau.
Il est vrai que le combat de boxe entre les deux pseudo-pugilistes avait tous les ingrédients pour épater la galerie de presse à Ottawa. Après tout, quoi de mieux, par un samedi soir autrement un peu ennuyant, que de voir deux politiciens qui en viennent aux coups? Surtout quand l’un est un sénateur conservateur aux attributs rappelant un peu le batailleur de rue typique, et l’autre le fils de Pierre Elliott lui-même, dans le rôle du beau garçon que toutes les mères voudraient avoir.
Même si l’événement était avant tout une façon originale de lever des fonds pour la lutte contre le cancer – les deux boxeurs amateurs ayant vu des membres de leur famille touchés par la terrible maladie – les politicos, pour leur part, ont voulu y voir un narratif tout autre. Avec un politicien nommé Trudeau dans la partie, il n’en fallait pas plus pour faire rêver à nouveau la vieille garde élitiste encore dévouée au Parti libéral du Canada, qui le voit comme futur Premier ministre.
Sa victoire a en effet ravivé les espoirs de le voir briguer les suffrages, lorsque la course au leadership du Parti libéral du Canada sera finalement lancée. C’est quand même assez extraordinaire qu’un combat de boxe caritatif soit perçu comme le tremplin idéal pour conquérir la tête d’un parti.
En sommes-nous arrivés à cela en politique? Un petit trois rounds dans le ring devient le test ultime de la qualité d’un leader. Quand même! Mettez-moi dans la colon-ne des sceptiques. Il est triste de voir que de nombreux partisans de la formation politique vivent encore profondément ancrés dans le passé. Comme si le nom de leur maître à penser était suffisant pour offrir le retour à la terre promise du pouvoir.
En fait, ce n’est pas sur la base de ses qualités de boxeur qu’il faut juger Justin Trudeau, mais sur son parcours intellectuel depuis son entrée dans l’arène politique. Et, il faut bien l’avouer, sa performance à cet égard n’a pas été des plus reluisantes. Mais qu’à cela ne tienne, la nostalgie de certains envers l’époque à laquelle dominait le père, a une influence démesurée sur leur jugement.
En fait, parlant du père de Justin, le nom de l’ex-Premier ministre est revenu momentanément dans les manchettes la semaine dernière, gracieuseté de nul autre que Fidel Castro. Dans une de ses célèbres diatribes, l’ancien président cubain y est allé de commentaires élogieux envers l’ancien dirigeant canadien qu’il a comparé avantageusement à l’actuel Premier ministre.
Il faut quand même avouer que cela n’a assurément pas attristé Stephen Harper. Je suis certain que le Premier ministre préfère laisser à d’autres ce genre d’éloges venant d’un dictateur qui a pris le pouvoir par la force et qui a ensuite mis toute son énergie à opprimer son peuple et à emprisonner quiconque a osé avoir des opinions contraires aux siennes. C’est sans compter toutes ces personnes qui ont disparu sans qu’on ne parvienne jamais à les retrouver.
Entre-temps, nos deux combattants pourraient fort bien se revoir dans un combat revanche. Peut-être que celui-ci aura lieu à l’aube de la course au leadership du Parti libéral. Quel beau tremplin potentiel.