Comme chacun le sait, il y a un début à tout. Il y a toujours une première fois. Le premier amour, le premier baiser, le premier je ne sais quoi, et là je laisse aller votre imagination pour compléter ce tableau.
Ceci m’amène à vous parler des récentes premières dont nous avons été les témoins dernièrement au Canada. Mettons de côté, l’espace d’une chronique, sans pour autant les oublier, les récents événements qui ont entaché l’image de notre pays de par le monde. Pour une fois, car j’en ai rarement l’occasion, j’aimerais vanter les mérites de notre démocratie et non m’affliger face à de constantes bévues dont on aurait tant aimé pouvoir se passer.
Le gain historique de Wab Kinew et des néo-démocrates aux élections provinciales manitobaines sert de preuve aux récentes avancées dont on a le droit de se réjouir. Pour la première fois dans l’histoire du pays, un membre d’une Première Nation a été élu premier ministre d’une province. Une première de toute première. Un pas dans la bonne direction. Un pas vers l’inclusion et la diversité culturelle. Un pas sur lequel il ne faut pas se faire d’illusions : après avoir tout tenté pour le discréditer durant la campagne électorale, l’opposition attend le moindre faux-pas du nouveau premier ministre manitobain pour le déboulonner de son socle. Lourde responsabilité, lourde charge, dure épreuve pour Wab Kinew, qui devra faire ses preuves. Ses ennemis et les quelques racistes du coin l’attendent au tournant. Je ne peux que lui souhaiter, ainsi qu’aux Manitobains qui l’ont élu, une éclatante réussite.
Une autre première, certainement non négligeable, fit son apparition au parlement canadien où le député libéral québécois Greg Fergus est devenu le premier président noir de la Chambre des communes à Ottawa. Moment mémorable. Son élection, par ses collègues députés, fait suite à la démission non surprenante à ce poste d’Anthony Rota, l’homme qui n’a pas fait ses devoirs de recherche avant d’honorer à la Chambre des communes, en présence de Volodymyr Zelensky, président de l’Ukraine, Yaroslav Hunka, un ancien membre SS ukrainien ; un incident diplomatique déplorable, mondialement décrié qui nous a fait rougir de honte. En poussant un peu mémé dans les orties, sans vouloir offenser Stendhal ou qui que ce soit, cet épisode m’aurait inspiré d’écrire « Le Rouge et le Noir ».
D’autres premières au cours des dernières années méritent elles aussi d’être mentionnées. Par exemple, le choix de Mary Simon, première autochtone à devenir gouverneure générale du Canada, geste plutôt symbolique il est vrai mais qui n’est pas sans importance. À ce même titre quelques années auparavant, Michaëlle Jean, d’origine haïtienne et Adrienne Clarkson, née à Hong Kong, avaient déjà montré l’exemple ayant chacune été gouverneure générale. En ce sens le Canada a su faire preuve de sagacité.
Ne pas oublier non plus une autre première : celle du choix en 2017 de porter Jagmeet Singh à la tête du parti néo-démocrate du Canada. Le leader NPD aux turbans de toutes les couleurs est devenu le premier sikh à occuper la position de chef d’un parti politique au Canada et a pu ainsi convoiter la position de premier ministre au cours des dernières élections fédérales. Bien qu’il ait peu de chance d’accéder au poste suprême, j’imagine qu’il compte récidiver lorsque l’occasion de nouveau se représentera. Assurément, c’est tout en son honneur, le leader néo-démocrate sait faire preuve d’abnégation.
Au milieu de ce lot, j’allais presque oublier Kim Campbell qui fut la première femme première ministre du Canada. Son règne fut bref et sa défaite aux élections fédérales, cuisante. Elle peut néanmoins se vanter d’avoir été la seule femme dans l’histoire du pays à avoir atteint cette fonction. À quand la prochaine femme première ministre ? Sous peu, j’ose espérer, car la plupart des hommes qui sont passés par là dernièrement sont carrément décevants. La femme, dois-je le rappeler, est l’avenir de l’homme, disait Louis Aragon.
Entre l’élection de Wab Kinew et la nomination de Greg Fergus, de nouvelles barrières, de nouvelles frontières viennent d’être franchies. En ce qui concerne la parité, certes nous progressons, mais trop lentement malheureusement. Il devrait y avoir des amendes pour manque d’excès de vitesse dans ce domaine. Les injustices dans la représentation de certains groupes ne peuvent durer plus longtemps. Mais, au moins, me direz-vous, car je vous écoute, nous allons dans la bonne direction, semble-t-il. Espérons donc que ces premières ne seront pas les dernières. Le Canada a besoin de redorer son blason quelque peu terni ces derniers temps : faisons en sorte d’être les premiers des premières. Que celui ou celle qui n’a jamais rêvé d’être le premier me jette la première pierre.