Les festivités New Leaves à Kelowna, une belle occasion pour initier un dialogue et une communion

À l’occasion du mois de la fierté et de la célébration de la Journée nationale des peuples autochtones, la ville de Kelowna a organisé du 20 au 21 juin le festival New Leaves dont le thème portait sur « Queer arts as resistance ». L’art « queer » comme un symbole de résistance. Au menu, des présentations et des ateliers ont ponctué les deux journées. Un partenariat entre le festival, le comité Espaces francophones de l’Université de la Colombie-Britannique Okanagan (UBCO) et le Centre culturel francophone de l’Okanagan. Avec une participation active de la francophonie de la région, cette rencontre a donné lieu à une soirée poésie bilingue le 21 juin.

Élodie Dorsel –IJL- Réseau.Presse – Journal La Source

Le pouvoir et la force des langues

« Nous sommes très fiers de cette soirée de poésie bilingue car plusieurs poèmes étaient en français, en chiac, parlée par Xénia Gould, (une langue vernaculaire du sud-est du Nouveau Brunswick, N.D.L.R.), et en langue innuaimun utilisée par Natasha Kanapé Fontaine », deux invitées, explique Francis Langevin des Espaces francophones. Ce fut une soirée chargée d’émotions, surtout après les récentes manifestations anti-LGBTQ2SIA+ à Kelowna. « La soirée a mis l’accent sur la force des mots, le plaisir de parler français, mais aussi sur la comédie, les confessions, ainsi que sur la politique et les revendications », souligne M. Langevin.

Michael V Smith et Erin Scott, durant le cabaret PONY. | Crédit : Jessica Zais Photography

Cole Mash, directeur général de l’ Inspired Word Café, l’organisation à l’initiative du festival, affirme qu’il était tout à fait naturel de s’allier avec la communauté francophone. « Nous avons un historique de programmation francophone, notamment avec l’école L’Anse-au-sable, et nous comptons de nombreux membres francophones. Nous nous efforçons toujours de servir les communautés minoritaires », précise-t-il. Les jeunes de l’école francophone ont d’ailleurs été invités à la soirée poésie slam pour partager leurs œuvres poétiques créées lors d’ateliers récents. Levi Bent, un autochtone issu de l’Osoyoos Indian Band était également présent pour accueillir les participants en nsyilxcən, sa langue maternelle.

Par ailleurs, une importante place a été accordée pendant ces deux jours de festivités à des prestations déclinées en « spoken word ». Rappelons que « le spoken word est né du besoin de revendication des peuples noirs marginalisés (black arts movement). C’est une forme d’art qui donne une voix aux communautés qui, souvent, ne sont pas entendues », précise M. Mash. Selon lui, c’est l’outil parfait pour initier un dialogue. « Cela permet aux gens d’exprimer ce qui leur tient à cœur dans des espaces publics et cela rassemble les individus. Nous sommes tous là pour réfléchir aux paroles qui nous sont adressées et pour nous brancher avec notre communauté en temps réel », précise le directeur général de l’ Inspired Word Café.

Xénia Gould en performance | Crédit : Charline Clavier

Le mouvement queer et la francophonie

Pour Xénia Gould, artiste multidisciplinaire et queer-acadienne, ses différentes identités s’entrelacent de façon continue dans ses écrits. Lors de la soirée du 21 juin, elle a présenté des extraits de son recueil « Des fleurs comme moi », paru en 2023. « Ces textes explorent un moment de ma vie où j’ai compris que mon identité culturelle, de genre et ma « queerness » étaient intrinsèquement liées », indique-t-elle.

« Du dialecte à la langue, c’est le chiac qui m’a amenée au « spoken word ». Grâce à lui, j’ai appris à déconstruire ma culture et mes traumatismes, réalisant ainsi ce qui se passe dans ma tête», révèle l’artiste.

Déconstruire les stéréotypes

C’est en interprétant son personnage humoristique féminin, Jass-sainte (Jacinthe), parlant le chiac, que certaines révélations se sont faites. « Je parlais le chiac au féminin, adoptant les sonorités distinctes des matantes. À travers l’humour, j’ai rapidement compris que ce n’était pas une question de comédie, mais simplement une expression de qui je suis. Je n’avais pas encore totalement exploré tous mes traumatismes », explique-t-elle.

L’artiste se trouve donc à l’intersection de différentes réalités parfois contradictoires. « Les Acadiens sont des colonisateurs déportés. Ils sont aussi un peuple diasporique sans terre, vivant sur des terres volées, et majoritairement blancs… Ce sont des intersections complexes dans lesquelles évoluer », ajoute Madame Gould.

Pour elle, écrire dans son dialecte est un acte de revendication.« Personne ne te dit que tu as le droit de parler chiac, d’écrire en chiac, personne ne t’encourage. On nous dit que c’est mal, mais on continue de le parler. J’ai voulu déstigmatiser l’usage du chiac en l’intégrant pleinement dans mon art », conclut l’artiste.Avec humour, vulnérabilité et passion, les invités spéciaux Xénia Gould, Natasha Kanapé Fontaine, Guizo laNuit et DJ Daddy ont captivé leur auditoire tout au long de cette soirée de communion.

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