La paroisse Saint-Jean-Baptiste de Victoria : Un héritage francophone face à l’incertitude

À la dernière rangée, à droite, se trouve le père Rolf Hasenack, entouré de quelques-uns de ses paroissiens. | Crédit : Pierre Livernoche (LIVERNOCHE)

À l’aube de son 67e anniversaire, la paroisse francophone Saint-Jean-Baptiste de Victoria fait face à un avenir incertain. Fondée en novembre 1957, cette église maintient sa présence au sein de la communauté francophone, malgré une ferveur religieuse en déclin. Aux paroissiens plus âgés, restés fidèles à cette institution, se sont joints de nouveaux arrivants du Sénégal, du Ghana et du Rwanda. L’église offre une messe dominicale en français et organise un repas communautaire mensuel pour les francophones.

Marc Béliveau
IJL – Réseau.Presse – Journal La Source

« Au fil des ans, la paroisse Saint-Jean-Baptiste a dû s’adapter aux changements démographiques et sociaux », explique le père Rolf Hasenack, actuel responsable de la paroisse. Il poursuit : « Aujourd’hui, on sait qu’il y a plusieurs familles francophones demeurant dans l’ouest de la ville, notamment à Sydney et Esquimalt, et qui fréquentent les paroisses anglophones avoisinantes de leur quartier ».

Le père Hasenack a pris la relève à la suite du départ à la retraite du curé Benoît Laplante, originaire du Québec et ancien missionnaire au Nicaragua. En 2017, face à une situation financière difficile, les paroissiens ont pris des mesures pour assurer la survie de l’église, notamment en louant le presbytère et en maintenant les revenus de la garderie anglophone Le Carrousel. Ces décisions ont permis de financer l’entretien et les dépenses de l’église.

Présence des francophones à Victoria

La présence des francophones à Victoria au tournant du XIXe siècle est pour le moins impressionnant. En 1858, le premier évêque catholique, Modeste Demers, s’installe à Victoria, où la majorité des habitants de la ville sont alors francophones. La même année, les Sœurs de Sainte-Anne, originaires du Québec, arrivent à Victoria à l’invitation de Mgr Demers.

Elles fondent la première école catholique de la région, offrant un enseignement aux enfants autochtones et des colons, ainsi que le premier hôpital de Victoria, le St. Joseph’s Hospital, en 1876. Au-delà de ces institutions, les Sœurs s’impliquent dans diverses œuvres caritatives, soutenant les plus démunis de la communauté. Leur présence contribue à la préservation de la langue et de la culture françaises dans cette région majoritairement anglophone.

Naissance de la paroisse Saint-Jean Baptiste

La paroisse Saint-Jean-Baptiste est née sous l’égide d’Yvonne Fortin-Therrien, une figure importante qui a organisé la communauté francophone de Victoria à partir de 1940. Elle fonde également le Club Canadien-français de Victoria en 1941, ainsi qu’une bibliothèque francophone. En 1957, quelques familles francophones se portent acquéreurs d’une ancienne église anglicane, permettant ainsi l’ouverture de l’église Saint-Jean-Baptiste. Dès lors, la paroisse joue un rôle de gardienne de la langue française dans l’histoire de la communauté francophone.

L’église Saint-Jean-Baptiste de Victoria a été fondée en 1957 grâce à l’acquisition des bâtiments par un groupe de paroissiens francophones. | Crédit : Paroisse Saint-Jean Baptiste

Présence du père Rolf Hasenack

Le père Rolf Hasenack, actuel responsable de la paroisse, a un parcours hors du commun. Né en Indonésie de parents hollandais, il est interné par les Japonais durant la Seconde Guerre mondiale. De retour en Hollande, puis au Canada en 1962, il rejoint l’Ordre des Dominicains, présent au Québec, et fait son noviciat à Saint-Hyacinthe. En 1989, il retourne en Indonésie, sur l’île de Java, pour y fonder une communauté dominicaine. Quelques années plus tard, il s’installe en Colombie-Britannique.

Aujourd’hui, à 84 ans, le père Hasenack s’occupe de quatre paroisses, dont l’une à Langford, Sydney, sur l’île Pender, en plus de l’église francophone Saint-Jean-Baptiste. Il entretient également des liens avec quatre nations amérindiennes de la région, où il célèbre occasionnellement des baptêmes et des funérailles. Sensible au sort des Amérindiens, il s’est réjoui de la visite du pape François au Canada en juillet 2022, estimant qu’elle était nécessaire pour tendre la main après le désastre des écoles confessionnelles et des abus.

Quel avenir pour cette église francophone ?

Selon la Société francophone de Victoria, « la communauté francophone de Victoria compte aujourd’hui plus de 38 000 francophones ». Malgré cette francophonie florissante, le père Hasenack affirme que « la survie de la paroisse est remise en question chaque année ». Le défi majeur, selon lui, est d’attirer des jeunes pouvant assurer la relève. Quant à lui, il compte bien assumer ses fonctions jusqu’en 2025.

L’un des souhaits qu’il exprime, c’est l’importance de mieux connaître l’histoire, en particulier la contribution des Sœurs de Sainte-Anne à la Colombie-Britannique. « Ces religieuses ont apporté une contribution exceptionnelle dans les secteurs hospitaliers et de l’éducation en Colombie-Britannique. Et leur présence s’est étendue à d’autres parties de la province », souligne-t-il.

Dans cette perspective, le père Hasenack insiste sur l’importance de préserver la mémoire collective : « Les réponses de ce qui nous arrive aujourd’hui se trouvent souvent dans le passé. Et quand on commence à oublier l’histoire, on s’oublie soi-même et les autres également ». Ces propos soulignent l’importance de la paroisse Saint-Jean-Baptiste non seulement comme lieu de culte, mais aussi comme gardienne d’un héritage culturel et historique francophone en Colombie-Britannique.