Gandhi, Confucius, Tokugawa, Mulan (la vraie, qui a servi de modèle à Walt Disney), Bouddha, Gengis Khan. S’il y a une chose que l’Asie a su offrir à l’humanité, ce sont ces centaines d’hommes et de femmes dont l’influence politique, culturelle, spirituelle et militaire ont été considérables. Bien au-delà de leurs frontières même ! Qui ne connaît pas aujourd’hui la non-violence d’un Gandhi, le génie militaire de Gengis et la spiritualité de Bouddha ?
La communauté asiatique de Vancouver a elle-même vu naître en son sein David Suzuki, prix Nobel alternatif en 2009. Quelle influence ont encore ces grandes figures sur leurs cousins émigrés en Amérique du Nord ? Un premier constat s’impose, les Canadiens d’origine asiatique diffèrent presqu’autant par leurs connaissances du sujet que par leurs origines ou la génération à laquelle ils appartiennent.
L’Empire du milieu
A tout seigneur tout honneur, nous avons commencé à nous intéresser à l’Empire du milieu. Carole Cheng, guide au musée de Chinatown nous explique : les immigrants de première génération étaient pour la plupart des personnes pauvres et peu éduquées dans leurs pays. Les gens venus de Chine n’avaient pas vraiment de bagages culturels à transmettre à leurs enfants autre que la langue, la religion et la culture de la vie de tous les jours. Pour ces générations là, et la suivante, les soucis du quotidien l’emportaient sur la curiosité et l’héritage intellectuel des grandes figures d’Asie. Si elle connait bien évidemment Mao Tsé Tong, elle le juge « fou » et « criminel ».
“Nos parents ont été élevés comme ça les touche encore, mais nous, nous sommes Canadiens”. Yoko, étudiante japonaise â l’université de la Colombie Britanique
Pour elle, les grands noms chinois à Vancouver sont ceux de Sun Yat-sen (un des fondateurs du Kuomingtang, premier président de la Chine moderne entre 1912 et 1917) ou, d’un point de vue purement vancouvérois, celui du Docteur Chung (sa collection est un véritable trésor sur l’histoire de la communauté chinoise du Canada, actuellement exposée à Université de la Colombie-Britannique [UBC]). La jeune génération née ici, quand à elle, avoue sa méconnaissance totale des personnages cités en haut.
Les étudiants que nous interrogeons à UBC nous parlent de Bouddha en pensant qu’il était chinois (le Bouddha était un prince hindou) et parfois de Mao sans trop savoir ce qu’il a fait « c’était un communiste non ? », ou encore de Mulan (voir de Mushu, le petit dragon protecteur de Mulan dans le dessin animé). Sans Walt Disney, la liste aurait donc été amputée d’un tiers…
Coté japonais en revanche, l’immigration s’est déroulée de façon très différente. De nombreuses familles japonaises sont arrivées au Canada en disposant déjà d’un excellent bagage culturel. Mais là encore l’écart des connaissances générationnelles va du simple au double. Si le musée Nikkei nous parle spontanément d’Oda Nobunaga, d’Hideyoshi et de Tokugawa (les trois seigneurs de guerre qui unifièrent le Japon au XVIème siècle) ou encore d’Eiji Yoshikawa (l’Alexandre Dumas japonais dont le héros Myamoto Musashi est aujourd’hui encore un symbole de la culture japonaise), les références des jeunes n’ont absolument rien à voir.
Pour eux, les plus grands symboles de la culture japonaise sont les mangaka (comme Tite Kubo, l’auteur de Bleach, ou encore Tsukasa Hojo, celui de City Hunter et de Cat’s eyes…) Ils ne s’estiment pas vraiment influencé par la pensée confucianiste ou les préceptes du Bouddha. « Nos parents ont été élevés comme ça alors ça les touche encore, mais nous, nous sommes Canadiens. Nos références sont les mêmes que celles des autres jeunes : Lady Gaga, How I met your mother et Mickaël Jackson. » Nous explique Yoko, étudiante à UBC.
En revanche, Ming He-Wang, jeune coréenne venue étudier à Vancouver cette année, Confucius et Bouddha sont loin d’être des inconnus : « Les gens en Corée apprennent ces noms très tôt à l’école. La société coréenne est encore très basée sur les traditions » mais elle reconnait qu’ici « tout le monde s’en moque. On ne parle jamais de ça ». Il y a donc un véritable fossé entre les nouveaux immigrants qui appartiennent aujourd’hui a des catégories sociales très différentes de celles des premiers arrivants.
« Aujourd’hui, les asiatiques qui arrivent à Vancouver doivent investir entre 700 000 et 1,5 millions de dollars, entre autres, pour obtenir la résidence permanente », explique David, qui travaille à Citoyenneté et Immigration Canada. « Ce sont donc le plus souvent des gens d’un niveau social élevé dont les enfants ont reçu une excellente éducation, souvent meilleure que celle qu’eux mêmes possèdent » résultat, cette génération de jeunes immigrants est bien mieux informée sur ses racines que ne l’étaient leurs prédécesseurs. Vont-ils pour autant cultiver cet héritage ? Rien n’est moins sûr. La société canadienne n’impose pas les mêmes contraintes culturelles que celle d’Asie.
Coté indien, un héritage fait l’unanimité : celui de Gandhi. Plus qu’un symbole, c’est une icône. « Gandhi est partout où sont les Indiens. Sur nos billets de banque, en image dans les administrations, les hôpitaux, les écoles… », pour Sumit, qui réside depuis maintenant 8 ans à Vancouver. A coté de lui, Viktor approuve. Il est arrivé ici il y a deux ans et pour lui, « les gens ne connaissent que deux choses sur l’Inde : Gandhi et le curry. »