La radio communautaire installée sur l’île de Vancouver s’est dotée d’une nouvelle direction depuis janvier 2024. L’objectif du plan de restructuration est de stabiliser son personnel et son modèle économique, tout en étant visible pour la communauté francophone.
Suzanne Leenhardt
IJL – Réseau.Presse – Journal La Source
« Bonjour à tous, bon retour de long week-end, bon retour à la réalité ! La radio la plus à l’Ouest est en direct jusqu’à neuf heures », souffle Alexis Gagnon dans le micro de Radio-Victoria ce mardi 12 novembre. L’animateur de la matinale « La Voix de la communauté », réveille les auditeurs du lundi au vendredi sur la fréquence 107.9FM.
Depuis la capitale provinciale de la Colombie-Britannique, la radio communautaire diffuse un contenu varié entre émissions d’actualité et spécialisées, entrecoupé de pauses musicales francophones. Avec son statut d’association, elle repose sur une équipe de quatre personnes et une petite vingtaine de bénévoles. Dans le paysage médiatique en crise et après avoir survécu à la pandémie, elle arrive à se maintenir depuis presque une vingtaine d’années. Cap vers l’ouest de la côte ouest.
Des pics à 4 000 auditeurs pour la matinale
Il faut revenir 18 ans en arrière pour se rappeler la première mise en ondes. La Société francophone de Victoria avait réussi à récolter des fonds et les rênes de la radio sont confiées à Jacques Vallée et sa femme. En 2006, la Colombie-Britannique recense 1,4% de sa population ayant le français comme langue maternelle, d’après Statistique Canada. Les Jeux olympiques de 2010 n’ont pas encore eu lieu, la vitrine de la côte ouest et Vancouver n’est pas encore établie et l’expansion des villes n’est pas encore en marche. Dans ce contexte, le lancement d’une radio communautaire est un défi.
Pourtant, au fil des années, la radio traverse le passage au web, s’adapte aux évolutions techniques et propose de nouveaux contenus et formats. Aujourd’hui, le nombre d’écoutes de la matinale sur le site de streaming Soundcloud atteint 4 000 auditeurs au plus haut pic.
« C’est vraiment une revue de presse sourcée qu’on partage à la communauté. L’idée c’est de rendre le plus de choses accessibles aux personnes isolées et à la retraite car quand on vieillit et que l’anglais n’est pas notre langue première, on revient vers le français », explique Audrey Courcy, la directrice générale de la radio. « De toutes les radios communautaires des territoires de l’Ouest et du Nord, on est celle qui a le plus d’écoute à ce moment de la journée », ajoute-t-elle avec fierté.
Un équilibre financier précaire
Il faut dire que l’équipe commence à voir le bout des difficultés rencontrées ces dernières années. Pendant trois ans, la radio a fonctionné sans direction générale stable et s’est lancée dans un processus de restructuration pour tenter de garder son personnel. Puis en septembre 2023, leurs locaux à l’école Victor Brodeur sont inondés et ils ne peuvent plus y retourner. Finalement, ils trouvent un local à louer dans la nouvelle maison de la francophonie dans le centre-ville de Victoria. « Nous sommes encore dans la restructuration de la radio avec comme priorités de stabiliser l’organisme et être pérenne. Nous travaillons à refaire communauté, reconstruire les ponts et être visible pour nos partenaires », pose la directrice. Par exemple, la radio assure la promotion des évènements de l’université de Victoria et met à disposition son matériel et son savoir technique.
« Mais la radio, ce n’est pas seulement de la création de contenu, il y a beaucoup de travail administratif », pointe Audrey Courcy. Tout en relançant la présence et le dynamisme de l’antenne, la nouvelle directrice doit s’atteler à assurer un modèle économique viable. Les principales sources de revenus se composent de revenus publicitaires, subventions publiques, dons et adhésions. Une adhésion individuelle pour 5 ans coûte 75$, celle de 3 ans coûte 45$ et 1 an coûte 15$ Elle permet d’être membre et de prendre part à l’élection du Conseil d’administration et des décisions de l’assemblée générale. Ce modèle économique précaire « se reflète en ondes », concède la directrice.
« Avec des salaires basés sur des subventions, c’est plus difficile de trouver des gens qui peuvent rester », confie-t-elle.
De nouvelles émissions
La radio arrive tout de même à financer une journaliste à temps plein et quelques journalistes pigistes. Et peut compter sur ses bénévoles pour animer de nouvelles émissions. Dans Hey Meuf !, l’animatrice Fanny prend le temps, dans des épisodes d’une heure, d’aborder des sujets qui gravitent autour de la sexualité, du féminisme et des questions de genre. Le désir de parentalité, les ruptures, l’endométriose ou encore les violences gynécologiques sont au programme.
Installée depuis quelques années déjà, l’émission Santé en français est produite par l’organisme RésoSanté, sous la forme d’entretiens avec un professionnel. « Radio-Victoria est très flexible sur le calendrier et le contenu, on travaille très facilement ensemble, témoigne Nicolas Roux, l’animateur et responsable des communications pour l’organisme. On a eu des sujets comme l’endométriose, le diabète ou encore le burn-out. L’idée première, c’est d’informer mais ça permet aussi de faire connaître aux francophones la démarche pour aller consulter », explique-t-il.
Une émission a vu le jour intitulée Affaires criminelles sur le modèle du célèbre Fabrice Drouelle à France Inter. Elle revient sur les plus grands faits divers, portée par la voix emblématique de Guy Pruvot, qui anime aussi La Marche du monde, alternant les thèmes d’actualité, les chroniques historiques et celles scientifiques. Mais pour pouvoir diffuser tout ce contenu, il faut aussi des bénévoles de l’ombre : ceux qui maîtrisent le matériel technique. L’équipe est en ce moment à la recherche de personnes pour ce poste.
Malgré un équilibre précaire, la nouvelle directrice est pleine d’espoir. « Je vois que la nouvelle génération veut venir derrière le micro pour se réapproprier le média. Nous avons beaucoup de nouveaux visages qui s’engagent et c’est ce dont nous avons besoin pour faire communauté et attirer toutes les générations ».
Pour aller écouter : https://soundcloud.com/radio_vic/sets