La plupart des gens que j’ai rencontrés à Vancouver m’ont dit que la Colombie-Britannique est pleine d’Australiens. Vous avez donc probablement rencontré quelques uns de ces amateurs de soleil, de ces buveurs de bières qui conduisent du mauvais côté de la route, et qui se vantent d’avoir passé leur enfance à courir frénétiquement dans des arrière-cours remplies de bestioles mortelles.
Vous savez peut-être aussi que les Australiens qui voyagent restent habituellement en groupes, habitant dans des endroits où d’autres se sont déjà installés. Par exemple : Whistler. Nous nous retrouvons dans les pubs “Aussie”, décorés avec des boomerangs et des crocodiles empaillés de sorte que même si nous avons voyagé pendant des heures et des heures avec un billet d’avion qui nous a coûté toutes nos économies, nous puissions nous sentir comme à la maison. Pour essayer de me différencier des autres, je me présente comme étant Tasmanienne. A ne pas confondre avec Tanzanienne.
Vous seriez surpris du nombre de personnes qui font l’erreur. Leur confusion est manifeste quand ils ouvrent de grands yeux, m’imaginant galoper à travers le Serengeti avec les gnous. La Tasmanie et la Tanzanie ne devraient cependant pas être confondues : La Tasmanie est un État australien du Sud de l’île. La Tanzanie est située en Afrique. La Tanzanie a des zèbres et des lions. La Tasmanie a des kangourous et des diables.
Oui, le diable de Tasmanie est un animal réel. Mais non, il ne tourne pas sur lui-même comme le personnage de dessins animés de la Warner. Il n’est pas non plus aussi gros que dans le dessin animé. Ça ressemble plutôt à un énorme rat compresseur de déchets qui recherche de la nourriture toute prête sur le sol forestier. Le fait qu’il croque et absorbe une carcasse entière, les os et tout le reste, m’a toujours terrifiée, mais heureusement, ils ont tendance à rester entre eux.
Le diable de Tasmanie n’est bien évidemment pas la seule chose qui nous différencie du reste du continent australien. Nos exceptionnelles étendues sauvages et naturelles sont reconnues dans le monde entier comme l’un des paysages les plus époustouflants de beauté de la planète. Ça va des régions montagneuses et sauvages de la Côte Ouest, où quelques hippies lunatiques voient occasionnellement un tigre de Tasmanie, espèce maintenant disparue, jusqu’aux plages de sable blanc de cartes postales de la Côte Est. Mais ne soyez cependant pas dégoutés, nos montagnes ressemblent à des louvetaux chez les scouts comparées aux vôtres.
Vous avez peut-être aussi entendu parlé de la princesse héritière Mary du Danemark : elle est de Tasmanie. Nous sommes extrêmement fiers de l’exploit tasmanien et nous nous référons souvent à elle comme « notre Mary ». Tout ça c’est bien beau mais ça m’a sûrement enlevé toute chance de rencontrer mon propre Prince Charmant.
Pour être honnête, il semble que je fasse plutôt du bon boulot dans ce sens de toute façon. Tout espoir d’être naturellement une fabuleuse voyageuse a été anéanti la seconde où je suis sortie de l’aéroport de Vancouver et où j’ai essayé de grimper dans le taxi du côté conducteur. Je ne suis pas bien sûr qui, de moi ou du conducteur, était le plus effaré.
Les Australiens du continent se délecteraient de ce faux pas. C’est parce que la Tasmanie a une réputation particulière : on nous considère comme des sortes de péquenauds arriérés. Malheureusement, il y a un peu de vrai dans leur caricature. La Tasmanie a été largement colonisée par les rejets de la société. Dans les années 1800, le gouvernement britannique pensa que la Tasmanie serait l’endroit idéal pour se débarrasser de ces détenus. Même le Canada s’y est mis en 1840, en envoyant une poignée d’exilés ayant participé aux Rébellions.
Mais j’aime à croire que ça nous a donné un culot particulier et la capacité de défendre nos intérêts ; ce à quoi j’ai dû faire appel, après ma course en taxi, quand je suis tombée dans une escroquerie à mon auberge de jeunesse. C’est en tous cas ce que j’ai pensé.
Une fille avec des dreadlocks à la réception, a essayé de m’arnaquer en me faisant payer plus cher que ce qui était indiqué à l’accueil. Elle prétendait qu’il s’agissait d’une sorte de taxe. En Tasmanie, ce que vous voyez, c’est ce que vous obtenez. C’est valable pour les gens comme pour les étiquettes de prix. Tout les prix sont toutes taxes comprises. Si quelqu’un essayait “d’ajouter une taxe” en plus du prix convenu, vous rigoleriez bien fort et iriez probablement les dénoncer aux autorités.
Il y a autre chose à propos de la Tasmanie : l’esprit de petite ville. Je viens de la capitale, la ville de Hobart et nous avons à peine plus de 250 000 habitants. C’est le genre d’endroit où votre Maman entendra parler de votre premier baiser avant même que vous soyez rentré à la maison. Et ne songez même pas à faire une sortie débridée parce que le fils du meilleur ami de Papa va forcément passer et vous voir vous ramasser la tête la première dans les escaliers.
Du fait de notre superficie et notre isolement, les continentaux pensent que tous les Tasmaniens ont un lien de parenté. C’est une suggestion absurde évidemment, mais dans le vrai style australien, ils adorent se moquer de nous et nous taquiner malgré tout.
Donc s’il vous plait, ne dites à personne que je me suis retrouvée nez à nez avec le cousin de mon ex petit ami sur le front de mer mardi dernier, ça me collerait à la peau pour toujours.
Traduit par Nathalie Tarkowska