Loin d’être une spécificité française et en dépit de son étymologie, le pique-nique semble être universel […]. Partout, il réjouit l’esprit tout en nourrissant les estomacs. La géographe Francine Berthe-Deloizy se montre bien hardie! Un anglophone pourrait tout aussi légitimement revendiquer les termes pick et nick et donc cette paternité! Quoiqu’il en soit de cette querelle légère sur l’origine du mot, nous nous accordons sur ce qu’il recouvre de simplicité, générosité, et parenthèse nomade dans nos vies urbaines.
« Quand on roule l’injara pour les piques-niques, toutes les saveurs se mêlent et c’est délicieux », Almaz
Au Restaurant Axum sur East Hastings, Soodabay, iranienne à la quarantaine élégante et naturelle est assise au comptoir, Almaz cuisine de l’autre côté. Là, dans le calme de l’après-midi, avant l’arrivée des clients, les deux femmes planifient des excursions camping et piques-niques à Squamish.
Pour entendre Almaz parler des piques-niques éthiopiens, il faut attendre un peu. Parce que, ni la musique triste mais dansante de l’Éthiopie, ni la présence d’une inconnue questionnant ses habitudes alimentaires ne détournent son attention des marmites où mijotent les sauces qui régaleront les hôtes du restaurant. « En Éthiopie, le pique-nique, c’est un moment vraiment particulier », finit-elle par avouer. « Nous aimons nous asseoir sous un arbre, manger et discuter pendant des heures ».
Ce goût pour les repas à l’extérieur, la famille d’Almaz ne l’a pas laissé derrière elle. A Vancouver, souvent à Stanley Park, elle emporte avec elle un panier et ce ne sont pas des hamburgers qu’il renferme.
« On prend notre agelgle, ce panier fait-main. Nous y mettons l’injara [ndlr : une grande galette faite à base de teff] garni de plusieurs sauces et viandes. D’habitude, les plats éthiopiens sont chauds, mais quand on roule l’injara pour les piques-niques, les saveurs se mêlent mieux et c’est délicieux. Ma fille adore ces roulés d’injara et je la comprends! »
Pour Almaz, quand on se prépare pour faire un pique-nique, on se projette sur un moment agréable, dans la nature. Les mets préparés pour cette occasion s’imprègnent donc de cette sérénité, de cette énergie positive et en semblent bien meilleurs.
« Cuisiner du saumon, en ayant une vue sur l’océan, c’est quand même exceptionnel ! », Jean-Philippe
Jean-Philippe, qui a quitté Québec pour Vancouver en 2003, est l’un des deux chefs de Picnic in the Park, une entreprise créée en 2008. L’autre chef, pâtissier, est sa compagne, Rhonda, originaire de Burnaby et diplômée de l’école de cuisine du Vancouver Community College. « Notre toute première commande de pique-nique vient de mon beau-frère qui, pour un rendez-vous galant, voulait éblouir sa future conquête ! ». Sur cette idée romantique, ils ont conjugué imagination et savoir-faire pour concocter un repas qui a signé les débuts d’une entreprise locale florissante.
« C’est quand même cher d’aller au restaurant pour une famille entière. Alors, notre entreprise est une alternative qui s’adapte aux moyens des gens. Du coup, avec les beaux jours, quand l’école ferme au mois de juin, c’est le moment où commence la haute saison pour nous ».
Certains y verront une entorse à l’idée d’un repas fait à la maison, avec ses limites et ses atouts. Mais ces paniers personnalisés s’adaptent aux différents budgets et épousent les attentes des plus classiques aux plus exotiques séduisent bien des gourmets. Le panier côte-ouest et son saumon de l’Atlantique, le mexicain et ses quesadillas, salade d’avocats, viande de porc braisé pendant 8h puis effilée, les mets italiens qui se déclinent en rigatoni et boulettes de viande sans oublier les mini-burgers sont quelques-uns des plats proposés par l’entreprise pour les clients qui louent des espaces à Stanley Park, Jericho Beach ou Spanish Banks auprès de la municipalité.
Pour ce couple d’entrepreneurs gastronomes qui a réalisé un tour d’Europe des saveurs françaises, italiennes et espagnoles, Vancouver est le lieu idéal. « Cuisiner du saumon, en ayant une vue sur l’océan, c’est quand même exceptionnel ! ».
« Ce qu’on aime emmener au pique-nique, c’est souvent un mélange des saveurs », Ty
Ty, 30 ans, navigue habilement entre ses origines chinoises, son enfance québécoise et sa vie à Vancouver où il réside depuis 20 ans. Dans ce français précis des gens attachés à une langue qu’ils ne peuvent partager avec leur entourage immédiat, il nous parle de ses habitudes.
« Tu sais, les jeunes, on ne fait pas trop de piques-niques entre nous. Enfin, avec mes amis, on est surtout sur les terrasses quand il fait beau. Le pique-nique, c’est souvent un moment familial chez nous ».
La variété des cultures présentes dans sa famille enrichit son panier. « Ce qu’on aime emmener au pique-nique, c’est souvent un mélange des saveurs comme le kebab au bœuf ou au poulet mariné agrémenté d’épices asiatiques». A côté des ailes de poulet grillé, salades de choux et autres melons d’eau, c’est surtout dans les sauces que les saveurs asiatiques s’imposent. « On aime beaucoup la sauce nuoc-mâm (sauce vietnamienne au poisson) et les sauces cambodgiennes ».
Après cet avant-goût sur les habitudes dans quelques-unes des communautés de Vancouver, on est bien tenté de s’exclamer, comme Soodabay, à la fin de la conversation sur le pique-nique éthiopien : « j’ai faim » !
Ils ont l’air sympa les pique-niques ethiopiens d’Almaz! Mmm… c’est décidé, la prochaine fois, on s’en fait un au Parc Montsouris !