La galerie d’art de Richmond accueille actuellement l’exposition Close your eyes de Sophie Jodoin. Originaire de Montréal, la jeune artiste a pris le parti d’abandonner la couleur dans ses œuvres. « Depuis 2004, je travaille exclusivement en noir et blanc. J’aime la force graphique du dessin et son approche plus immédiate. Le noir et blanc permet une distanciation, un recul du spectateur par rapport au sujet que je ne retrouve pas avec la couleur, et cela est d’autant plus important lorsque le travail aborde des thèmes difficiles. » Et c’est le cas ici, dans la grande salle de la galerie sur l’immense mur blanc, quarante-cinq tableaux racontent leur propre histoire entre obscurité et lumière mais aussi innocence et brutalité. Ses sujets deviennent des séries de dessins , collages austères et minimalistes. « Je les présente comme des installations murales de grand format, qui deviennent souvent indivisibles ».
“Je suis plus inspirée par le silence, la solitude et comment nous survivons en etant vraiment seul dans ce monde”. Sophie Jordoin, artiste
La dualité des sentiments, la violence parfois discrète ou cachée mais bien présente, tel est ce qui conduit la création de Sophie Jodoin. Ce travail est d’ailleurs une suite logique aux séries précédentes qui portaient sur la vieillesse, le nanisme, le suicide. « J’ai débuté en 2007 plusieurs séries portant sur la guerre. Small Dramas & Little Nothings, toujours en cours et présentée à la Richmond Art Gallery, est la dernière de celles-ci et propose un regard plus intime sur la violence – des petites histoires inventées d’abandon, de douleur, d’inquiétude et drames de l’enfance. »
Ses œuvres incluent bien sûr le dessin en noir et blanc mais aussi le collage, la peinture, l’accumulation d’objets et la vidéo comme pour faire écho au papier. Face aux dessins, on aperçoit ainsi un écran dans lequel une petite fille dessinée pointe une arme sur le spectateur, tandis qu’un peu plus loin dans la dernière pièce, une vitrine présente différents objets altérés par le temps. « Mes sources d’inspirations sont variées: Internet, magazines, films, livres usagés, objets trouvés… Cette “excavation” d’images est similaire à l’archéologie. J’aime construire et collectionner une banque d’images dans laquelle je peux puiser. » Les artefacts exposés ou archivés dans les vitrines sont construits comme des poèmes élaborés sur plusieurs mois, une suite intime d’associations variées – dédicaces de livres, résidus et objets trouvés lors de marches dans la ville, petits dessins à l’encre noire qui nous font considérer notre mortalité.
Un écho à sa vie
C’est l’aspect désolé qui l’intéresse, la solitude des êtres humains. Même si son sujet peut être violent, les dessins ne se lisent pas de cette façon. « Certainement parce qu’en réalité, peu importe la façon dont nous sommes entourés, je suis plus inspirée par le silence, la solitude et comment nous survivons en étant vraiment seul dans ce monde. » Sophie Jodoin a toujours été inspiré par ces thèmes sombres ainsi que le rappelle l’exposition The Cherished Ones présentée à Calgary ou encore De peine et de misère exposée à Montréal.
A l’invitation de la commissaire de la galerie d’Art de Richmond Nan Capogna, Sophie Jodoin n’a pas hésité une seconde. « Le caractère architectural de la galerie est inusité; chaque salle a sa particularité, une est octogonale, une autre allongée tout en s’élargissant… L’architecture du lieu joue un rôle important dans l’installation et la présentation du travail. À la Richmond Art Gallery, j’ai conçu le parcours des trois salles comme le trajet d’une vie auquel nous sommes invités à retracer notre propre vie. » L’exposition est d’ailleurs l’évènement-phare du quatrième festival annuel Drawn qui permet, durant trois semaines, de favoriser le dessin comme un support visuel majeur.