Profitant de la tenue du Vancouver International Film Festival, je me fais du cinéma. Ainsi, je me dis : il manque au VIFF (acronyme familier que s’est donné le festival) un symbole. Il manque quelque chose qui l’identifierait. Quelque chose de reconnaissable. Quelque chose qui dirait tout, d’un seul coup. Quelque chose d’étonnant et de remarquable. Une icône en quelque sorte. Hollywood a son Oscar. Cannes sa Palme d’or, Berlin son Ours d’or, Venise son Lion d’or, etc. Et à Vancouver, qu’a-t-on ? Rien de signifiant. Rien d’intéressant. Puisqu’il en est ainsi, j’ai décidé de prendre les choses en main. Je propose la remise du Castor en bois, afin de souligner notre attachement traditionnel à l’industrie forestière. Il y aurait un Castor fort, battant de la queue pour récompenser le meilleur film du VIFF et, histoire d’innover, un Castor dort, représentant un castor endormi, remis chaque année au film le plus soporifique du festival. Le plus difficile, sans doute, sera de choisir un gagnant parmi la multitude de films présentés dans cette catégorie.
Hormis ceci, je ne ferais aucun autre changement, si ce n’est dans la programmation de cette année où j’ai pu observer quelques lacunes. Certains films manquent. Notamment dans la catégorie Western où le film de Steve Harpeur Pour quelques gouttes de pétrole de plus ne figure pas à l’affiche. On y retrouve pourtant, dans le rôle principal, un capitaliste autoritaire qui désire imposer sa loi. À ses côtés, se disputant la part du gâteau, deux femmes fortes de l’Ouest, pas du tout vamps, qui tentent de ménager les chouchous de la presse et les dix chèvres de Monsieur Adrian. Le pétrole coulera-t-il ou non ? La question reste en suspend. C’est le grand défaut de ce film qui, jusqu’à la fin, nous laisse sur notre faim. Le tout se terminant en queue de poisson pollué du Pacifique. Autre film manquant à l’appel: J’irais cracher sur vos côtes, une réalisation d’Haine Bridge d’après un scénario d’Alberta Bitumineux, adapté du roman de Fort Mac Murray Tu pollues Tar Sands. Une production d’Oléo Duc du Nord. Une histoire déchirante qui met aux prises deux grandes familles canadiennes dont on tait le nom afin d’éviter toute poursuite judiciaire.
On n’a pas considéré non plus : La guerre des moutons, un film sur la viande contaminée qui nous vient, encore une fois, de l’Alberta. Les auteurs de ce triste scénario ont préféré mettre en vedette des moutons au lieu du bœuf, afin d’éviter toute complication avec la gente bovine, le porc ayant auparavant refusé toute participation à ce projet. Entre temps la boucherie continue. Cette œuvre, selon moi, devrait trouver sa place dans la catégorie Film d’horreur qui, c’est dommage, ne figure pas au programme.
Parmi les autres oubliés, notons encore : Les parapluies de Montréal ou Les enfants du paradis fiscal, un solide documentaire qui nous arrive du Québec. Un groupe d’étudiants se soulève contre l’autorité locale qui désire imposer une augmentation des frais de scolarité. Moment de révolte. Le gouvernement tombe. Un autre le remplace. Ce dernier ouvre son grand parapluie sur un air de demi-victoire électorale. Les étudiants sont couverts. L’affaire, contrairement à la dette, est réglée. Rideau.
Toujours dans la catégorie Documentaires, nous ne verrons pas : Le par un, une trilogie canadienne à la Francis Ford Coppola, qui explore les liens mafieux d’une municipalité en pleine construction. Une petite histoire de la vie politique d’une ville cimentée par une commission chargée de faire la lumière sur des affaires de corruption. Tout le monde se cache. Tout le monde nie. Les autres grandes villes du Canada se rongent les ongles en attendant anxieusement leur tour. Car leur tour viendra. Il y a du grabuge dans l’air et des sommes importantes d’argent dans les chaussettes.
Et finalement, dans la catégorie Meilleur film étranger, ne sera pas projeté : Noir et Mormon en couleur, un film qui nous permet de revivre, en direct, un débat douloureux, de par son enjeu, entre un président sortant et son rival à qui l’on aimerait bien montrer la sortie.
Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter une bonne fin de festival en vous rappelant, comme nous le disait ce cher Stanley Koudebrique, que « Le cinéma, c’est la reproduction d’une réalité fictive, d’intérêt subjectif, tiré du petit écran de notre imagination ».
Cela donne matière à réflexion. Maintenant, silence, on tourne… la page.