Alors qu’en France le festival de Cannes vient de décerner la palme d’or 2013 au film la vie d’Adèle, inspiré de la bande dessinée de Julie Norah sur un sujet de société – l’amour réciproque entre deux femmes – c’est au tour de
New Westminster de mettre à l’honneur «cet art séquentiel au support papier,» défini comme tel par Will Eisner, figure majeure de la bande dessinée du XXème siècle. Du 13 au 16 juin, le Douglas College organise, sous la houlette de Peter Wilkins et David Wright, une série de conférences, d’ateliers étudiants et de forums afin «d’explorer comment les différentes disciplines et les discours convergent sur le thème des bandes dessinées» explique le premier organisateur.
De L’Incroyable Hulk à Bécassine, des ouvrages plus ou moins connus seront mis à l’honneur. L’objectif affiché est de démontrer les relations étroites que la bande dessinée entretient avec différentes disciplines, littératies, et technologies. Selon Peter Wilkins, responsable de l’évènement, c’est « un média qui rassemble des universitaires de toutes sortes : géographes, architectes et archivistes notamment. » Après avoir participé à des salons en Chine, en Espagne ou en Grande-Bretagne, les organisateurs ont aussi souhaité ouvrir le discours académique sur la bande dessinée aux étudiants autant que possible.
L’art de raconter en images
Damon Herd, en doctorat aux Beaux-arts à l’Université de Dundee en Écosse, concentre son domaine de recherche sur les bandes dessinées autobiographiques. Il prendra la parole pendant la conférence, révélant la relation des «comics» avec un certain type de littérature. L’artiste déclare que «les créateurs utilisent l’interdépendance de l’image et du texte pour raconter des histoires où l’ensemble s’élève à plus que la somme des parties.»
Alexandre, jeune immigrant francophone à Vancouver et amateur de BD, affectionne particulièrement cette forme de narration par la suggestivité qu’elle exprime. « Les dessins ont beau être une manière explicite de décrire une scène ou un évènement, ils n’écartent pas la subjectivité du lecteur. Comme après le visionnage d’un film, c’est à moi, lecteur, de me faire une idée de l’histoire que l’on vient de me raconter. Je peux ensuite relire l’histoire vignette par vignette pour y retrouver les détails ou le second sens qu’a bien voulu y glisser son auteur,» raconte-t-il.
Grâce à la bande dessinée et à l’interprétation qui en est faite, l’artiste sensibilise le lecteur à des sujets divers et variés.
Considérée au départ comme simple passe-temps pour les adolescents, la bande dessinée a su se faire une place au sein des arts et de la littérature et est désormais un moyen d’expression reconnu. Ainsi en témoignent la production de Keiji Nakazawa sur l’holocauste japonais I Saw It en 1973, ou plus récemment, l’oeuvre Persepolis par l’Iranienne Marjane Satrapi, dans laquelle elle raconte les évènements qui vont mener à la révolution et à la chute du Shah. Le conférencier Damon Herd explique qu’à travers cet ensemble graphique, on peut «raconter une histoire dont beaucoup de gens n’auraient jamais entendu parler autrement, d’une manière accessible, émotionnelle, personnelle et avec plus d’impact que cela pourrait en avoir avec seulement des mots.»
Il précise aussi que le succès des bandes dessinées autobiographiques a permis à plusieurs autres sous-genres de prospérer : les mémoires de la famille (par exemple, Ethel & Ernest par Raymond Briggs) et le journalisme (la bande dessinée de Joe Sacco) illustrent par exemple cette tendance. «Je crois que nous pouvons raconter des histoires qui se connectent à un large public en détaillant les spécificités de récits de vie individuels,» conclut-t-il.
Influence des nouvelles technologies
Alexandre s’interroge, de son côté, sur les liens que tissent le neuvième art et les technologies : «le livre surfe sur l’air du numérique,» observe-t-il. L’intégration de la technologie permet, selon lui, «l’apport d’une nouvelle dimension à la bande dessinée, comme l’animation. L’auteur Boulet, dont je suis «fan,» l’a très bien compris et l’intègre dans ses planches de manière régulière.» Ce jeune développeur observe curieusement la transformation de ce média et suit les publications d’un grand nombre de blogs BD.
Sponsorisé par le blog Graphixia, création de la filière anglaise du Douglas College, et par le journal en ligne Comics Grid, cet évènement affirme lui aussi la présence de la technologie au sein de cet art.
La conférence se veut ouverte à un large public afin de sensibiliser les lecteurs à la diversité des sujets abordés dans les œuvres et de mettre en avant la collaboration multiculturelle à la production d’une bande dessinée. Car ce tableau visuel structuré, composé de mots et d’images, interagit de façon permanente avec la littérature ou la technologie en vue de s’établir comme un véritable moyen d’expression.
Comics and the Multimodal World
Douglas College, New Westminster
Du 13 juin au 16 juin
Tarifs et réservations :
http://www.thedclab.org/conference