A la question « Qui êtes-vous ? », Leo Cunanan répond : « Je suis un artiste. »
Tiens, c’est amusant. Je m’attendais à une présentation plus classique, du genre : « je suis un canadien d’origine philippine. Je suis musicien et je joue en Colombie-Britannique avec mon groupe depuis plus de 20 ans. Je suis peintre et j’ai été sélectionné par le jury de la Fédération des Artistes canadiens pour participer à la 4e édition de l’exposition AIRS qui a lieu jusqu’au 27 octobre. » Mais Leo Cunanan ne fait rien comme tout le monde.
Revenons au début de l’histoire : j’étais sur Granville Island et je suis tombée sur cette petite galerie en verre qui ressemble à un bateau. Curieuse, j’ai navigué quelques instants entre les cinquante tableaux, comme autant de perceptions différentes du monde, jusqu’à ce que mon regard s’arrête sur une nature morte au titre accrocheur : Boy’s best friend.
Je suis émue par cette toile qui révèle une version tendre et nostalgique des garçons (vous savez, ce côté d’eux qu’ils prennent grand soin à dissimuler). Je regarde ce tableau, et j’ai l’impression d’ouvrir une boite à souvenirs, quelque chose qui ramènerait à l’enfance de cet homme dont j’ignore encore tout. Qui est donc cet artiste dont je n’ai jamais entendu parler ? Je m’empresse de demander à Mila, qui tient la galerie : « le meilleur moyen de le savoir », me dit-elle, « est de le rencontrer directement. »
Il ne faut pas me le dire deux fois : dès le lendemain, je donne rendez-vous à Leo pour parler de sa toile. Avant de lui poser ma première question, je le regarde préparer son café : il y ajoute de la crème, un peu de lait, de la vanille, beaucoup de cannelle. Il mélange une fois, réajuste avec un peu de sucre, mélange encore. Je crois qu’on y est, son café est prêt : on dirait de la crème dessert. Je fais donc la rencontre officielle de Leo Cunanan – l’artiste et l’enfant du tableau.
La Source : Bonjour Leo. Qui êtes-vous?
Leo Cunanan : Je suis (il hésite un instant) … un artiste. J’ai essayé de me définir autrement, mais… je ne peux pas, c’est ce que je suis!
Comment êtes-vous passé de la musique à la peinture ?
Par accident. J’ai toujours aimé dessiner, mais je suis un musicien. Ce n’est qu’en 1991 que j’ai pris mes premiers cours d’arts graphiques. Je voulais apprendre la technique, mais ça n’avait rien à voir avec l’art. Et puis j’ai rencontré l’artiste philippin Sym Mendoza. Cet homme a cru en moi, et il m’a appris bien plus que ce que j’attendais : au-delà de la technique, il m’a ouvert les portes de l’art. Tu vois le film Karate Kid, avec le mentor qui est toujours là pour encourager son élève ? Notre relation est la même !
Aujourd’hui, je suis passionné par la peinture, comme je le suis par la musique. Et ces deux disciplines s’enrichissent mutuellement : à mesure que j’approfondis mes connaissances de l’une, je vais plus loin dans la pratique de l’autre.
Pourquoi cette toile, pourquoi ce titre ?
Cette toile, tout comme ma participation à cette exposition, c’est un défi que je me suis lancé. Je ne suis pas habitué à travailler en couleurs, et j’ai tendance à préférer les portraits. Là, c’est une composition autour d’une statuette que ma mère m’a offert il y a longtemps (Un souvenir d’enfant ! J’avais vu juste ! NDLR). J’avais envie d’essayer, pour voir si je pouvais faire quelque chose de cette relation entre le petit garçon et son meilleur ami, son chien. Et mon tableau a été sélectionné – je n’en reviens pas !
Qu’est-ce qui vous inspire ? Quel est votre processus de création ?
Le défi. Je veux apprendre toujours plus, et voir ce que je peux faire, voir jusqu’où je peux aller.
Je cherche aussi à donner du sens à mon art. Je joue dans un groupe, mais je joue aussi dans une église – et c’est cette musique-là qui a le plus de sens pour moi. Je suis inspiré par des artistes comme Sym, ou encore Gustav Klimt que j’adore. Mais je suis aussi inspiré par Jésus. Je rêvais de cet homme lorsque j’étais enfant. Il représente la vie, et l’espoir. Il est mon modèle.
Pensez-vous que votre art est influencé par vos origines philippines ?
Pendant très longtemps, je me suis détourné de mes origines. Je me sentais complètement canadien. Mais je réalise que plus je m’intéresse à l’art, plus je me rapproche de ma culture philippine : c’est Sym qui m’a appris tout ce que je sais sur l’art. Et il est philippin ! A travers lui, j’ai également rencontré un artiste tatoueur qui m’a fait connaître l’art tribal du tatouage aux Philippines. Je ne savais même pas que c’était un art là-bas. Maintenant pour la première fois, j’ai envie d’y aller pour en savoir plus sur mon propre pays.
Pensez-vous avoir un rôle à jouer au sein de cette communauté philippine à laquelle vous appartenez ?
Oui. Déjà, je suis fier d’être le graphiste et l’éditeur de l’annuaire professionnel de la communauté canadienne philippine. Je sais à quel point il est dur d’immigrer dans un nouveau pays, et nous aidons ces gens pour que leur arrivée ici se passe pour le mieux. Et puis, je suis vraiment heureux d’avoir été sélectionné pour l’exposition AIRS. Je suis le seul philippin représenté, et cela me rend fier ! Je voudrais être un exemple positif pour tous ces gens, leur montrer que leur origine ne doit pas être un frein à leur ambition.
En savoir plus sur Leo Cunanan:
Federation of Canadian Artists
1241 Cartwright St., Vancouver
http://www.artists.ca.
http://www.leocunanan.com
http://www.dahongpilipino.ca
http://www.mistralstorm.com
L’exposition se poursuit Jusqu’au 27 octobre 2013