The Path of Names : Un thriller fantasy détonant, sur fond d’ésotérisme et de mystique juive, qui renouvelle la fiction jeunesse du genre. A lire d’urgence en cette période d’Halloween où les fantômes et les monstres sont à l’honneur !
Dahlia Shulman, 13 ans, n’a pas envie d’aller passer trois semaines à Camp Arava, un camp d’été pour enfants juifs. Les balades dans la nature, les chansons en hébreu, les histoires de filles et son frère comme animateur, très peu pour elle! Ce qui l’intéresse, c’est la magie et les maths. C’est donc à contrecoeur qu’elle accepte de s’y rendre, contre la promesse faite par ses parents de l’inscrire à un club de magie plus tard pendant l’été.
Mais à peine arrivée à Camp Arava et déjà d’étranges évènements se produisent, à commencer par ces deux jeunes filles qu’elle voit apparaître puis traverser les murs. Dahlia se plaît à croire qu’il s’agit là d’un bon numéro d’illusionniste réalisé par des passionnés de magie comme elle… jusqu’à ce qu’elle réalise qu’elle seule peut les voir ! Dans le même temps, elle commence à avoir des rêves et des visions, étrangement réalistes, à propos de David Schank, un étudiant yeshiva des années 1940, pourchassé par une société secrète pour avoir découvert le soixante-douzième nom sacré de Dieu. Elle se découvre alors une connaissance insoupçonnée de l’hébreu, de la Kabbale et de la Gematrie – la numérologie juive. Dahlia se rend vite compte qu’il y a beaucoup plus derrière tout cela que de simples tours de passe-passe et que des forces réellement troublantes agissent autour d’elle.
Que cherchent à lui dire les fantômes des fillettes ? Quel est le lien avec ce David Schank, mort il y a plus de soixante-dix ans, et dont l’esprit, elle le sent, vient la posséder ? Et qu’en est-il de cet étrange labyrinthe perdu dans les bois dont Barry, l’inquiétant gardien du camp, défend farouchement l’entrée ? Dahlia se retrouve un peu malgré elle sur les traces d’une énigme kabbalistique. Une seule chose est sûre : la clé se trouve dans le labyrinthe…
Ari Goelman signe, avec The Path of Names, un premier roman jeunesse très prometteur qui entraîne le lecteur dans une aventure haletante, originale et bien menée. Alternant entre le monde contemporain très terre-à-terre des camps de vacances jeunesse juifs-américains et celui des intellectuels juifs dans le New York des années 1940, il fait entrer en collision deux mondes que tout sépare. « Encore une de ces productions à la Harry Potter qui inondent le marché ? » penserez-vous ? Eh bien détrompez-vous ! Goelman revisite avec brio les histoires de camp de vacances et de fantômes classiques en y ajoutant une bonne dose de mysticisme et de folklore juifs. Car soyons honnêtes : les romans jeunesse contemporains ancrés dans la tradition juive, autres que la littérature de l’Holocauste ou abordant le lien avec Israël, sont plutôt rares. Si les références à la culture et à la religion juives abondent, sans pour autant se faire dogmatiques, nul besoin d’être initié pour pouvoir suivre l’histoire, même si un petit lexique des termes religieux aurait pu être utile. Le livre est une excellente opportunité de s’ouvrir différemment à une nouvelle culture et rien que pour cela, il mérite le détour.
En outre, les dialogues sonnent juste et les personnages incarnent la diversité de notre société : l’héroïne Dahlia, notamment, est loin du stéréotype de l’adolescente en crise, qui ne s’intéresse qu’aux garçons et à la mode – ce rôle est réservé à quelques personnages secondaires. Au contraire, c’est une jeune fille indépendante, curieuse et obstinée, qui réussira sa mission grâce à ses capacités intellectuelles et sa débrouillardise. Un message fort et important pour des lectrices adolescentes dans une société qui tend à juger les femmes avant tout par leur physique.
The Path of Names se distingue aussi par la complexité et la sophistication de son intrigue : alors que Dahlia évolue avec ses tours de passe-passe, Ari Goelman fait de même métaphoriquement en détournant constamment l’attention de son héroïne avec les petits problèmes quotidiens du camp – les filles pestes, la rivalité avec son frère, les rumeurs amoureuses, l’étrange gardien que personne n’ose approcher – tout en la menant là où il veut la conduire : au cœur du mystère, dans le labyrinthe. Ces tours et détours, auxquels viennent s’ajouter le va-et-vient entre les deux mondes, font de l’intrigue un véritable labyrinthe qui tient le lecteur en haleine du début à la fin. Les jeunes lecteurs de 10 à 12 ans pour lesquels le livre a été écrit pourraient néanmoins s’y perdre. Je le recommande donc plutôt à un lectorat un peu plus mature et expérimenté – 13 ans et plus – qui saura mieux en apprécier les subtilités. Seule réserve donc envers ce thriller fantasy original et palpitant, dont l’auteur, en prime, est établi à Vancouver.
Une perle locale à ne pas manquer, surtout en cette période d’Halloween, où le surnaturel et les fantômes sont à l’honneur.