D’emblée, j’aimerais vous présenter mes excuses. Une fois de plus, je me sens obligé de vous parler du scandale qui entoure les dépenses des sénateurs filous. Vous devez me pardonner. L’actualité canadienne dernièrement ne nous offre pas grand-chose pour occuper nos esprits. Tous les jours, que ce soit à la radio, à la télé ou dans les journaux et même parmi les blogs, il n’est question que de ça. C’est notre nouveau Watergate.
D’ailleurs je suis surpris que l’on n’ait pas ajouté « gate » à cette affaire. Dès qu’il y a un scandale politique, et il n’en manque pas de nos jours, un substantif avec « gate » apparaît. Ainsi cette affaire de tricherie au Sénat pourrait porter le nom de Sénatgate, de Duffygate, de Wallingate, de Brazeaugate. Dommage qu’il n’y ait pas de sénateur du nom de Sureau, cela nous aurait donné, version anglaise, un Sureaugate. Mais arrêtons ici la plaisanterie. Elle a assez duré. Examinons sérieusement cette affaire. Vous pouvez, comme la plupart des gens semblent le faire, vous offusquer face à ce scandale de fabrication canadienne. Si tel est le cas, vous avez toutes les raisons d’être alarmé. Vous avez tous les droits d’être scandalisé. Votre sentiment est parfaitement légitime. De désarroi, à juste titre, vous en avez les larmes aux yeux. C’est une attitude qui a du mérite. Elle est légitime.
Une autre attitude à envisager, par contre, celle que j’ai adoptée, consiste à se dire qu’il vaut mieux en rire qu’en pleurer. Rappelez-vous que le rire est une très bonne thérapie. Des ateliers entiers sont consacrés à l’art du savoir rire. Il ne faut surtout pas s’en priver. Un rire peut en cacher un autre. Cela donne le fou rire. Il paraît que c’est contagieux. Alors ne vous gênez pas. Répandez. Personne ne vous en voudra. Au contraire. Pensez-y, cette affaire de scandale, made in Canada, ne devrait pas nous inviter à la réflexion mais plutôt à la rigolade.
En fait, nous avons en face de nous, sous nos yeux, une tragi-comédie des plus tragi-comiques. Appréciez. Un spectacle en direct nous est offert gratuitement au quotidien. Pour mieux savourer la présentation, même à contrecœur, faites abstraction de l’argent dont nous, les contribuables, avons été floué par ces ressortissants sénatoriaux. Je dis ressortissant, vous l’avez compris, car ces énergumènes-là me sont totalement étrangers. Ils, avec elle au milieu, ne font pas partie de mon cercle d’amis. Mes amis, je les choisis. Ce sont des gens honnêtes incapables de produire un spectacle de la sorte.
Pour jouir totalement de ce divertissement en provenance d’Ottawa, je vous suggère de vous installer tranquillement sur un divan comme Néron l’aurait fait en voyant brûler Rome. Imaginez le décor : une colline argumentaire avec à gauche un sénatorium pour personnes âgées complètement déconnectées du peuple et à droite une chambre de dépités attendant l’arrivée du chef des gouvernementeurs.
La pièce se joue en une multitude d’actes plus insipides les uns que les autres. Aucun indice ne nous permet d’envisager la fin. Trois sénatorios s’accrochent à leur siège alors que leurs collègues tentent de les pousser au bord du précipice. Nous assistons ensuite à des scènes souvent tristes et cocasses. De quoi satisfaire tous les goûts. Il y a tout à la fois, du Sophocle, du Shakespeare, du Racine et du Molière. Brutus voisine avec Alceste, Phèdre, Monsieur Jourdain et Antigone. Il ne manque que Pinocchio dans le paysage pour savoir qui ment et qui croire.
L’ensemble interprété par des acteurs et actrices de peu de renom dont la carrière est en passe de péricliter. Des personnages déchus, déçus, revanchards, vindicatifs, faisant face à une horde d’individus du même clan qui, menacés, obéissent au mot d’ordre, sans doute donné par leur chef de file et son service de relation publique, à savoir : sauvez les meubles à tout prix.
Tant pis s’il y a de la casse, comme on dit dans les milieux voyous que je ne fréquente pas. Mensonge, fourberie, tricherie, roublardise, sarcasme, rancune et trahison cimentent ce spectacle minable et risible où la malhonnêteté est de rigueur.
Cela n’est pas sans me rappeler le scandale des commandites que l’on a connu entre 1997 et 2003. Avec, à mes yeux, une différence : suite à cela Paul Martin perdit les élections. Il est peu probable que Stephen Harper perde celles qui devront se tenir d’ici 2015. Cela m’attriste. J’ai même envie de pleurer. Où est mon rire quand j’en ai si besoin et auquel je tiens tant ? Il s’est envolé avec mes illusions : celles d’un monde décent et intègre.