Voyager sans bouger, se fondre dans la foule pour en faire apparaître les contrastes et la diversité… comme une aiguille qui, se plantant dans un tissu finit par créer un patchwork. C’est cette métaphore que l’artiste Kimsooja essaie de mettre en lumière au travers de ses voyages. L’artiste cosmopolite fait partager actuellement sa vision du monde à la Galerie d’Art de Vancouver jusqu’au 26 janvier sous l’exposition Kimsooja Unfolding.
Un patchwork des cultures
Il s’agit de la première exposition rétrospective de l’artiste coréenne qui partage sa vie entre New-York et Paris, l’occasion de découvrir l’évolution de ses travaux depuis trente ans comme le souligne Daina Augaitis, directrice associée de la Galerie d’Art de Vancouver. « Nous avons commencé à travailler avec Kimsooja il y a quatre ans et ça a été un incroyable voyage. Nous avons alors décidé de remonter jusqu’à ses travaux datant des années 80, avant donc qu’elle devienne célèbre à l’échelle internationale. »
Née en 1957, Kimsooja dévoile ici son engagement pour les questions d’identité dans l’évolution sociale parfois chaotique. L’exposition met en lumière des œuvres qui abordent les notions du temps, de la mémoire et du déplacement. Cette vaste exposition présente les pièces de textile utilisées au quotidien par les peuples des divers continents. L’artiste les a collectionnés au fil de ses voyages sur le Bottari Truck, le camion qu’elle utilise pour transporter ses tissus multicolores. Elles les a ensuite rassemblés et a noué les fragments entre eux pour en faire des patchworks.
« Quand j’allais à l’école dans les année 70, j’étais très intéressée par la culture coréenne, que ce soit l’architecture, le langage, le mobilier ou les objets. » Mais avec la peinture, elle avait du mal à établir un lien avec ces choses qui l’inspiraient. « Et puis un jour alors que je cousais une couverture de lit traditionnelle avec ma mère, j’ai ressenti une impression de force incroyable, comme si l’énergie de l’univers investissait mon corps, jusqu’à la pointe de l’aiguille qui tissait cette couverture de lit. Ça a été un moment très spécial dans ma vie, et j’ai compris que c’était la méthode que je suivrai pour m’exprimer. »
Un monde plus optimiste
Au-delà de la beauté de l’Art, Kimsooja pose des questions au public sur la société qui l’entoure : « J’ai toujours eu le désir de présenter la réalité du monde tel qu’il est, en présentant des corps, des objets sans tenter de manipuler la nature ou de créer quelque chose de nouveau. » Au lieu de cela, elle s’attend à ce que ses propres expériences et celles de son public révèlent de nouvelles perceptions de la réalité du monde. « Je pose des questions ontologiques en juxtaposant mon corps et le monde extérieur. »
C’est le cas lorsque l’on entre dans la salle noire et que l’on découvre les écrans recouvrant les murs et représentant l’artiste immobile au milieu de la vie urbaine dans différentes villes du monde. « L’idée de A Needle Woman était de m’insérer seule dans une scène publique totalement hors du monde de l’art pour observer les réactions des peuples. J’ai décidé de voyager seule pour aller à la rencontre des gens dans une quinzaine de villes importantes dans le monde. » Car selon elle, l’immobilité ne peut-être révélée que par la mobilité, et vice-versa. L’interaction entre la mobilité des personnes dans la rue et l’immobilité de son corps est créée en fonction du contexte de la société, les gens, la nature de la ville et celui de la rue.
« Ce n’était pas toujours facile » assure-t-elle mais le résultat est surprenant tant les réactions des passants divergent entre Londres, Shanghai, Delhi ou le Caire. Un état d’esprit que résume facilement Daina Augaitis, « Kimsooja s’intéresse au monde tel qu’il est aujourd’hui, nombre d’endroits sont frappés par la guerre, les combats. Elle parvient malgré tout à présenter une vision optimiste de cette réalité où les histoires, les religions, les points de vue peuvent co-exister. »
Kimsooja Unfolding
Jusqu’au 26 janvier 2014
Vancouver Art Gallery