Le supplice de faire des emplettes à la dernière minute

La petite Sandra Fortin

La petite Sandra Fortin

24 décembre, il est 17 h. Vous quittez le bureau et vous vous dirigez tout droit vers un des endroits les plus chaleureux de la ville en cette froide soirée d’hiver. Mais non, pour vous, ce ne sera pas votre foyer comme 95% de la population car vous, ce n’est pas que vous êtes une retardataire ou une personne qui fonctionne sous pression (si peu…), vous êtes seulement une des rares femmes sur cette terre à avoir une crise d’urticaire en entendant le mot magasinage!

 Mais, il y un prix à payer pour autant d’oisiveté et vous allez le vivre dans quelques secondes en entrant dans le stationnement du centre commercial. Vous faites le tour des allées une bonne dizaine de fois avant de vous décider, agacée, à attendre au début de l’une d’elles, qu’un piéton daigne s’y diriger. Ça y est, en voilà un ! Vous le suivez patiemment jusqu’à ce qu’il s’arrête brusquement et se mette à lorgner à droite puis à gauche, la manette de son système d’alarme pointée dans les airs… vous apercevez alors les feux clignotants sur une voiture tout près, mais dans l’allée précédente… La soirée s’annonce fabuleusement agréable !

Vous entrez au pas de course dans le centre commercial, comme si le fait de marcher normalement allait vous faire perdre un temps précieux. Qui a dit que faire les emplettes de Noël n’étaient pas un sport? Vous sortez alors votre liste de cadeaux :

Fiston : Une pelle neuve (vous avez brisé la sienne l’hiver dernier), un pyjama de Spiderman (à défaut d’avoir le vrai costume) et une console de jeu (Il est le seul de tous les amis de sa classe, que dis-je, de l’école entière, à ne pas posséder une console de jeu ! C’est carrément inhumain !).

La pelle fût facile à trouver !

Pour la console de jeu, vous avez voulu économiser, vous disant qu’elle serait probablement quelque part en solde, alors vous avez visité cinq magasins d’électroniques pour finalement vous rendre compte que deux d’entre eux étaient de la même compagnie, donc avaient le même prix ! Le troisième était beaucoup plus élevé mais avec un rabais postal, ce qui revenait au même prix que les deux premiers. Félicitations aux gens du marketing qui ont eu cette fantastique idée ! Il faut remplir le coupon, découper le code barre sur la boîte, y joindre une copie de la facture et poster le tout à la compagnie, c’est tellement compliqué que personne ne le fait !!! Au quatrième, tous vendus ! Je cite ici le mauvais menteur. Oups ! Je veux dire le mauvais vendeur: Nous allons en recevoir demain matin pour la vente du Boxing Day. Ils nous prennent vraiment pour des imbéciles ! Et dans le cinquième, vous n’avez jamais été capable de trouver ni la console, ni un vendeur. Où est Charlie?

Vers 20 h 30, il ne vous restait que le pyjama de Spiderman… Après plusieurs « non, désolé ! », vous êtes entrée dans le dernier magasin restant, un géant dans les rayons duquel finalement, vous n’avez trouvé que des hauts et des bas de pyjamas disparates. C’est alors qu’une préposée-associée-gérante-actionnaire est passée comme un coup de vent à côté de vous. Vous l’avez interpelée, sans succès. Déterminée à ne pas laisser s’enfuir le gibier, vous avez décidé de lui emboîter le pas, et avez dû lui toucher le bras pour lui signifier que vous vouliez lui parler car elle ne semblait pas vous entendre… Devient-on sourd à travailler dans ce genre de magasin ?

Elle s’est alors retournée vers vous, avec toute l’irritation de ses 64 ans, et vous a finalement répondu, sur un ton désapprobateur : Écoutez, tout ce que j’ai est là. Si vous ne le voyez pas, c’est qu’il n’y en a plus ! Vous êtes pas mal en retard pour trouver un pyjama avec une miquette dessus !

Non mais, c’est quoi ce service ? A-t-elle des qualifications pour être à ce poste ? Je vois déjà le tableau. Elle a probablement élevé ses enfants bien tranquillement dans son foyer donc, elle avait le temps d’aller acheter des pyjamas pour Noël au mois de novembre ! À 50 ans, quand elle s’est retrouvée seule à la maison, elle a décidé que ce serait peut-être plaisant de se trouver une jobinette, histoire de rencontrer des gens et de se faire une petite paye ! Et bien félicitations pour vos employés sexagénaires indifférents et sermonnaires ! Où sont passés les peace and love qu’ils étaient jadis ?

 Résignée, vous sortiez bredouille du centre commercial lorsqu’une main s’est posée sur votre épaule. Stupéfaite, vous vous êtes arrêtée sur-le-champ et dans un mouvement brusque, vous vous êtes retournée d’un coup, prête à engueuler l’intrus quand, vous avez aperçu nul autre que le Père Noël…

Tout fier de l’effet de surprise qu’il avait eu sur vous, il vous a demandé : As-tu été sage cette année ma p’tite fille ? Hô ! Hô ! Hô !

Non mais ! Qu’est-ce qui se passe avec les sexagénaires ! Épuisée, vous avez répondu : Qu’en pensez-vous ? Il vous a alors lancé : Que du bien ma chère ! Qu’aimerais-tu demander au Père Noël cette année ? Humm…. Excellente question… Vous étiez-là, perdue dans vos songes quand subitement, la mère en vous a refait surface. Vous avez répondu, la mine basse en faisant les célébres yeux du Chat Potté: Un pyjama de Spiderman pour mon fils ?

Il vous a alors répliqué, sur un ton de confidence : Ton fils m’a déjà demandé autre chose alors si tu veux lui en offrir un, rends-toi dans cette boutique, ils en ont plusieurs ! Mais toi, qu’aimerais-tu recevoir ? Tout ce qui vous venait en tête à ce moment précis était une île perdue au beau milieu de la mer avec un énorme palmier au centre et un gros soleil jaune tout en haut… Non ! Vous ne pouviez pas lui demander ça !

Après lui avoir répondu que vous alliez encore y réfléchir (Quoi ! On ne dit pas n’importe quoi au Père Noël !!!), vous êtes entrée dans la boutique qu’il vous avait si gentiment indiqué. Il n’y avait aucun pyjama de Spiderman, mais une tonne de déguisements ! Vous avez donc acheté un vrai costume d’Halloween de Spiderman à votre fils pour Noël ! Génial non ?!! Merci Père Noël !

 Et trois jours plus tard, en ramassant le courrier, vous avez découvert une carte postale de vos parents, en voyage pour la période des fêtes…en Martinique. L’image vous semblait familière, vous avez lu : Il fait beau et chaud, nous nous baignons tous les jours et la nourriture est incroyable ! Ha !…Ha !…Ha ! …Merci Père Noël pour la délicate attention, ce n’était pas nécessaire…

Joyeuses fêtes à tous !