État d’urgence sanitaire, hausse de 57 % du nombre de cancers d’ici 2030, faut-il poser un nouveau diagnostique sur le fonctionnement du système de santé de la province ? Quelle perception les Britanno-Colombiens ont-ils de leurs services médicaux ? L’heure est au bilan de santé.
« Ici le médecin est toujours pressé. La consultation dure quelques minutes. Il fait son travail. C’est tout ». Jeune immigrant originaire du sud de l’Inde, brillant ingénieur, Bala est formel. « En Inde, quel que soit le nombre de malades, le médecin passera au moins trente minutes avec chaque patient ». Il ne conteste pas la compétence des toubibs au Canada, mais « quand je vais consulter mon médecin, dit-il, j’ai toujours l’impression d’être soigné par un robot ».
Technicienne de surface, Congolaise d’origine, Véronique a vécu une expérience analogue. « J’avais très mal au dos, je suis allée voir mon médecin. Il avait les yeux rivés sur son ordinateur, il m’a à peine regardée. Il ne m’a même pas touchée », explique-t-elle en fronçant les sourcils. Elle ne comprend pas la froideur et la distance entre elle et son médecin.
Quant à Nathalie, Française installée à Vancouver depuis plusieurs années, le souvenir de son premier et dernier accouchement est ancré dans sa chair et sa mémoire. « On m’a fait six péridurales sans demander mon avis. L’infirmière ne voulait pas faire une césarienne. Après la délivrance, je suis restée paralysée jusqu’aux membres supérieurs ». Elle aussi est catégorique : « J’aurais mieux fait d’accoucher en France ».
« Ils sont meilleurs à Surrey »
Baroudeur ayant roulé sa bosse en Allemagne avant d’échoir en Colombie-Britannique, Gaspal n’en revient toujours pas d’avoir attendu pendant quatre heures aux urgences de l’hôpital général de Vancouver, alors qu’il souffrait le martyre à cause d’un spasme musculaire dans le dos. « Ils m’ont fait un test d’urine et finalement, j’ai reçu quatre comprimés d’Advil ». Pour Gaspal, le problème, c’est Vancouver. « Ils sont meilleurs à l’hôpital de Surrey ».
Les services médicaux de la province sont-ils vraiment défaillants ? Avec une enveloppe épaisse de 18 milliards de dollars, la santé représente le premier poste des dépenses du gouvernement provincial. De fait, le système de santé de la Colombie-Britannique est le meilleur du pays, et dans le peloton de tête à l’échelle mondiale.
Les données fournies par l’Institut canadien d’information sur la santé (l’ICIS) sont apaisantes. À titre d’exemple, dans la population masculine, le taux de mortalité relié au cancer est le plus bas du Canada et un des plus faibles du monde, devant des pays comme la France, le Japon ou l’Allemagne. Les résultats sont quasiment identiques dans la population féminine, et relativement aux maladies cardiovasculaires et aux accidents vasculaires cérébraux. Pour consulter un spécialiste, les habitants de la province patientent en moyenne un mois, les Québécois 40 jours, les Français et les Allemands doivent ronger leur frein pendant presque deux mois. Qui plus est, moins de 5 % des Britanno-Colombiens ont de la difficulté à s’acquitter de leurs dépenses de santé. Seuls la Saskatchewan et le Manitoba font mieux.
À quelques encablures d’ici, environ 28 % d’Américains peinent à payer leurs examens médicaux. Il faut se rendre à l’évidence, on est bien soigné en Colombie-Britannique. D’ailleurs, environ 85 % des personnes interrogées ici approuvent ce constat. « C’est normal, explique Guylaine, ancienne ergothérapeute. Les gens sont riches… ».
Quel est l’état de santé des Franco-Colombiens ?
Louis Giguère, directeur général du RésoSanté de la Colombie-
Britannique, est plus nuancé. « Ce n’est pas toujours rose. Il y a beaucoup de choses à faire pour améliorer le système ». Il regrette par exemple que le gouvernement local n’encourage pas les acteurs du système médical à parler la langue du client. « Or, précise-t-il, les études ont mis en évidence la corrélation entre la qualité du service et la maîtrise de la langue du client ».
En outre, à l’exception de la Nouvelle-Écosse, le système de santé au Canada n’enregistre pas la langue du client. Louis Giguère rappelle qu’il a entrepris des démarches dans ce sens. « Tu rêves en couleurs, m’a-t-on répondu du côté de la province ». Par ricochet, il est impossible de savoir quel est l’état de santé des Franco-Colombiens. Il déplore aussi le fait que depuis deux ou trois ans, le gouvernement provincial a réduit les financements alloués au Provincial Language Service, qui met des interprètes à la disposition des patients ne s’exprimant pas en anglais.
Pourtant, il reste optimiste. Une dynamique est en marche. « Les membres du corps médical s’expriment de plus en plus en français ». Il en a lui-même fait l’heureuse expérience au cours d’un séjour décisif à St. Paul’s Hospital à Vancouver. Quatre des cinq personnes ayant pris soin de lui parlaient la langue de Molière. « Y compris le cardiologue argentin ».