Bien d’eau a coulé sous les ponts du Gange depuis le voyage désastreux de notre premier ministre en Inde. Je vous demande toutefois d’être indulgent à mon égard et de bien vouloir m’excuser de revenir sur ce malheureux épisode qui encore aujourd’hui me hante.
J’ai honte. Oui, j’ai honte. Mon premier ministre me fait honte. Qu’est-ce qui lui a pris de se rendre en Inde avec sa famille et de se faire photographier ad nauseam en costumes style couleur locale et dans des allures franchement inaptes alors que ses hôtes eux-mêmes n’en voyaient pas la nécessité ? De toute évidence l’intention était d’impressionner la galerie et de faire la manchette des journaux dans une opération de relations publiques familièrement appelée photo-op. Il s’agissait de séduire l’électorat canadien tout en voulant charmer ses hôtes. Outrageuse manipulation médiatique. Effet raté.
Une photo prise comme ça pour la forme, je veux bien, mais d’en faire une orgie de portraits et d’en exagérer l’utilisation relève ni plus ni moins d’un enfantillage hors norme. Monsieur Trudeau, fils du père, vous avez perdu vos esprits. Ce n’est pas sain. Un peu de contrôle serait de mise.
De tous les coins du monde on vous a ridiculisé, Monsieur le Premier ministre. Vous avez été la risée de la planète. La terre entière s’est bidonnée en vous voyant pareillement déguisé. Cela m’a vexé. Tel premier ministre, tel peuple j’entends dire. Je me sens donc visé. Lorsque j’allais à l’étranger il y a encore quelques mois de cela avec fierté je faisais valoir ma citoyenneté canadienne. En quelque sorte, sans fausse modestie, je me pavanais. J’étais fier comme un paon. Le castor, animal peu respecté et mal aimé, démontrait enfin de la prestance. Il rongeait de plaisir.
Depuis votre passage au pays de Gandhi, des tigres et des éléphants, je me fais dorénavant tout petit. J’ai abandonné mes cours de yoga et j’ai renoncé à me trouver un gourou. J’ai banni le cari de mes repas et je n’ai plus l’intention de me rendre à Agra pour visiter le Taj Mahal. Je me cache, je suis gêné, embarrassé. D’un heureux castor je me suis transformé en timide autruche. Je n’ai pas envie que l’on rigole de moi. Je suis inconsolable. Justin l’enchanteur avec ses gaffes et ses voyages diplomatiques manqués (pensez à la Chine) m’a non seulement déçu; il m’a humilié.
J’en éprouve encore du chagrin car, c’est bien triste à dire, il a démontré une fois de plus que, malgré ses bonnes intentions, il manquait de jugement et surtout de maturité politique. Ce n’est pas la première fois qu’on le surprend à commettre des gaffes. Ces derniers temps il semble les accumuler. Ses vacances passées chez l’Agha Khan IV auraient déjà dû nous mettre la puce à l’oreille. Plusieurs fois ensuite il s’est laissé prendre en photo en compagnie de personnes peu recommandables. Il s’offre régulièrement en spectacle. Il est, c’est le moins que l’on puisse dire, accro à son image. Une addiction qui lui joue de bien vilains tours. N’y a-t-il pas quelqu’un dans son entourage immédiat qui puisse lui faire comprendre jusqu’à quel point cette dépendance lui est néfaste, même nuisible pour ne pas dire toxique ? Son leitmotiv non affiché « Tout pour la forme, au diable la substance » risque de lui coûter cher aux prochaines élections.
Notre premier ministre, je ne peux donc plus le cacher, continue de me créer du souci. Rien ne m’indique qu’il a retenu sa leçon. Je crains qu’à l’invitation du Saint-Père de venir lui rendre visite au Vatican notre Justin se présente en soutane, Sophie en bonne sœur et ses bambins en enfants de chœur. Comment va-t-il se vêtir lors de sa prochaine tournée en France ? A-t-il l’intention de porter le béret avec une baguette sous le bras ? Et en Espagne, portera-t-il l’uniforme du torero et son épouse une robe de danseuse de flamenco ? J’attends qu’il se rende à Jérusalem pour le voir habillé d’un long manteau noir (un Békeshe) avec des papillotes et un large chapeau noir. Quel genre d’impairs ou de gaffes nous réserve-t-il ? S’il ne change pas, les médias étrangers, à notre détriment, n’ont pas fini de rigoler.
Notre Justin national, rappelez-vous, était pourtant bien parti, mais en cours de route, mal préparé ou mal conseillé, il s’est mis à trébucher devant chaque obstacle. S’il n’y prête attention son avenir politique se trouve bel et bien compromis.
Je fondais de grands espoirs en le voyant prendre la barre du navire Tupanic il y a un peu plus de deux ans de cela. Maintenant en chemin vers la fin de son premier mandat je crains que nous nous dirigions tout droit vers un iceberg. Ne nous affolons pas pour autant. Notre premier ministre a encore le temps de renverser la vapeur; pour cela souhaitons qu’il cesse d’être dans les vapes.