Un film « très québécois » au VIFF

Scènes du film Ville Neuve.

Présenté pour la première fois à la Mostra de Venise dans la section Venice Days consacrée aux œuvres indépendantes et innovatrices, Ville Neuve sera projeté lors du 37e Vancouver International Film Festival (VIFF), qui a lieu du 27 septembre au 12 octobre. L’occasion pour les Canadiens de l’Ouest de (re)découvrir les enjeux liés à la langue et au destin politique du Québec, mêlés à l’universalité de l’amour et de ses déchirements.

De son long métrage d’animation destiné à un public adulte, le réalisateur Félix Dufour-Laperrière dit qu’il est « atypique, inhabituel, politique, très québécois, avec une forme libre ».

Scènes du film Ville Neuve.

Il aura fallu plus de quatre ans pour réaliser à la main et sur papier les 80 000 planches de dessins et de peintures qui composent le film. Une succession de tableaux mouvants aux nuances de gris qui accueillent des personnages aux silhouettes épurées. Les références de Félix Dufour-Laperrière sont souvent picturales, inspirées des peintres québécois René Richard, Ozias Leduc, Pellan, Borduas, Marion Wagschal. Ainsi Ville Neuve est d’abord un travail esthétique sur la lumière, les ombres et la transparence.

« Le film est entièrement en noir et blanc pour préserver le caractère dessiné, pour demeurer au plus près d’un dessin qui bouge », explique Félix Dufour-Laperrière. Réalisateur de onze courts métrages, animés et expérimentaux, et d’un long documentaire, Transatlantique, il signe avec Ville Neuve son premier long métrage d’animation.

Un texte poétique

Le scénario du film est librement inspiré d’une nouvelle de l’Américain Raymond Carver, La Maison de Chef, transposée au Québec. Été 1995, Joseph, alcoolique repenti, s’installe dans la maison vacante d’un ami sur les côtes de la Gaspésie. Il convainc Emma, son ex-femme, de venir l’y rejoindre. Tandis que la campagne référendaire sur l’indépendance du Québec bat son plein, des maisons brûlent, des discours s’affrontent, un couple se retrouve et s’aime. « C’est un film intime, qui parle du couple, et un film politique, qui parle du Québec, des destins et désirs collectifs », résume le réalisateur.

Ce qui frappe d’emblée, c’est la poésie des images et des mots. Pas étonnant puisque le cinéaste place la parole au centre : « La langue et la parole libèrent, autant les personnages que la forme du film », précise-t-il. Marguerite Duras est une référence marquante mais on retrouve aussi Andreï Roublev de Tarkovski. « Ville Neuve, à sa façon très québécoise, et sur un autre mode, met en place des quêtes semblables de liberté, d’autonomie,
de sens. »

Scènes du film Ville Neuve.

Une liberté artistique

Cette « façon très québécoise » qu’a le réalisateur né à Chicoutimi, au Québec, de traiter de la quête identitaire, c’est de replacer son histoire dans le décor du Québec de 1995. La province vit alors un nouveau référendum pour son indépendance, quinze ans après le premier, où le non l’avait emporté. Le spectateur assiste en parallèle à la lutte de Joseph pour se libérer de ses démons et à celle d’un peuple tiraillé par son questionnement sur l’indépendance.

« Les événements politiques, racontés ici de façon un peu diffuse, en mode mineur, pénètrent dans l’intimité du couple, y résonnent. Les subjectivités des personnages, qui prennent parfois vie à l’écran, deviennent alors la caisse de résonance des tensions et ambitions collectives. Les désirs intimes et les désirs collectifs, politiques, se superposent, sont liés, se déploient en continuité », ajoute le cinéaste.

La force du film est de s’inscrire dans l’histoire politique et de s’en libérer. Félix Dufour-Laperrière confirme que « le film ouvre un possible, force un passage, en douceur certes mais aussi en image et en mots ». Pour lui, les quêtes identitaires sont nécessairement à la fois intime, subjective et collective, politique. « C’est cette continuité entre les espaces intimes et politiques, entre les individus et la cité, que tente de faire vivre Ville Neuve. »


V
ille Neuve de Félix Dufour-Laperrière les 28 et 29 septembre au VIFF