« Les femmes arabes disent ÇA ? » : un documentaire qui transcende les clichés

C’est autour d’un chaleureux « Iftar » du ramadan à Edmonton, où les rires se mêlent aux saveurs de plats délicieux, que nous rencontrons huit femmes arabo-canadiennes. Elles se confient sans filtre sur des sujets souvent considérés comme tabous, des mœurs de la société arabe à leur double identité culturelle.

Produit par l’Office national du film (ONF), Les femmes arabes disent ÇA ? est le deuxième documentaire de la réalisatrice égypto-canadienne Nisreen Baker. Après ces anciens films comme Chez le barbier, réflexions d’hommes arabes et Women of Karaoun, elle poursuit sa résolution de célébrer le multiculturalisme et de tisser des liens entre les communautés arabes et canadiennes.

Après avoir obtenu son diplôme à l’Université Américaine du Caire, Nisreen Baker se découvre une passion pour la réalisation de documentaires, mue par son désir de « raconter la vie extraordinaire de gens ordinaires ».

Lors de son arrivée au Canada, Nisreen se bute à une représentation limitée et stéréotypée de la communauté arabe, et par le biais de ses œuvres, elle entend bien changer cette perspective en peignant une image sincère de sa communauté.

« J’ai senti qu’il fallait prendre les devants et, au lieu de dire : les médias occidentaux nous présentent sous un mauvais jour, j’ai dit : je fais partie de cette communauté. Je peux présenter notre point de vue de manière authentique et réaliste », souligne-t-elle.

Photo de l’ONF

En dépit des tragédies personnelles auxquelles Nisreen a dû faire face en raison du décès de son père et de son frère pendant la pandémie de la COVID-19, ainsi que l’impossibilité de retourner en Égypte pour leur dire un dernier adieu, elle est demeurée résolue à poursuivre son documentaire.

« Ce fut une période très difficile, et ce qui m’a aidée à la surmonter, c’est le courage et la grâce de ces femmes », assure-t-elle.

Une mosaïque de voix féminines

Le documentaire nous plonge dans la vie de huit amies aux origines et croyances diverses : Carmen, Aya, Tereza, Nedra, Hala, Sanaa, Nermeen et Laylan. Après deux ans de distanciation due à la pandémie de la COVID-19, elles se réunissent pour la première fois autour d’un Iftar.

Elles évoquent leur combat face aux préjugés occidentaux, la bataille universelle des femmes dans des sociétés dominées par le patriarcat, ainsi que la tension entre assimilation et intégration culturelle, tout ceci rythmé par la poésie de Nermeen et les chants engagés d’Aya.

Sanaa Khalil, protagoniste d’origine marocaine, met en avant la sincérité et l’authenticité des scènes capturées dans le documentaire.

« Nisreen nous a donné carte blanche, elle n’allait pas nous censurer. Les discussions étaient réelles comme s’il n’y avait pas de caméra », assure Sanaa.

Saana décrit une réalité vécue par de nombreuses personnes issues de l’immigration ou ayant grandi dans un environnement culturel mixte. Elle évoque ce sentiment d’appartenance à deux cultures à la fois, ce qui peut parfois être source de confusion ou de conflits internes. Plutôt que de percevoir cela comme un inconvénient, Saana choisit d’y voir une occasion.

« Je choisis le meilleur des deux mondes et je célèbre les deux cultures », souligne Sanaa.

La clé derrière la sincérité communicative du documentaire réside dans les liens d’amitié profonds qui relient ces femmes.

« En fin de compte, je ne partage pas des parents ou de l’ADN ou du sang avec ces gens-là, mais je les considère comme ma famille canadienne », affirme Sanaa.

L’écho des voix des femmes

Nisreen Baker, en produisant ce film, souhaite non seulement mettre en lumière la puissance et la pertinence des voix des femmes arabes, mais également leur offrir un espace pour s’exprimer.

« [Les femmes arabes] ont quelque chose de précieux à ajouter à la conversation. Qu’il s’agisse de féminisme, de politique, ou même de la vie quotidienne », souligne Nisreen Baker.

Les thèmes explorés dans ce documentaire transcendent les spécificités culturelles et temporelles, résonnant avec une universalité qui s’applique à toutes les femmes. Ces témoignages dépassent le cadre de leur contexte immédiat pour toucher à des vérités intemporelles afin de trouver un écho dans l’expérience féminine mondiale.

« Je pense que les femmes du monde entier doivent élever la voix, tirer la sonnette d’alarme sur le fait que nous ne pouvons pas accepter d’être traitées injustement », clame la cinéaste.

Pour plus d’information sur Les femmes arabes disent ÇA ?, visitez : www.onf.ca/film/arab-women-say-what-version-francaise

Cet article a précédemment paru dans l’édition du 14 novembre 2023 de La Source.

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