Des rythmes afro-péruviens au son d’une guitare rock. Des chansons traditionnelles moraves rendues nouvelles dans une session d’improvisation. Ce sont juste deux des rendez-vous musicaux proposés dans le cadre du Festival international de jazz de Vancouver (Coastal Jazz) dont la 35e édition aura lieu de façon virtuelle du 25 juin au 4 juillet prochain.
Parmi plus d’une centaine de concerts virtuels présentés dans le cadre du festival, les artistes vancouvérois Alvaro Rojas et Dálava puiseront dans les sons de leurs ancêtres pour offrir des compositions hors de l’ordinaire ainsi que de la musique créée ou revisitée au beau milieu de la pandémie du coronavirus COVID-19. Un voyage musical dans le passé mais aussi ancré dans un profond espoir dans le présent et l’avenir, en deux portraits.
Du confinement à la scène
Alvaro Rojas, guitariste primé basé à Vancouver, était censé lancer son nouvel album, Gran Kasa, lors du Festival international de jazz de Vancouver en 2020. Lorsque cette édition est annulée, le musicien, comme tant d’autres artistes, se met à jouer de la musique chez lui en solitaire. Or, au lieu de laisser ces circonstances devenir un frein à sa créativité, le guitariste s’est servi du confinement comme d’un outil d’inspiration.
« Eh bien, comme tous les autres musiciens pendant cette pandémie, je n’ai pas pu jouer avec d’autres personnes autant ou pas du tout, vraiment. J’ai donc décidé assez tôt que ce serait une bonne occasion pour développer mon répertoire solo de musique originale », commente Alvaro Rojas.
Et ce sont ces compositions qu’il proposera au public lors de ses deux concerts au Festival : Alvaro Rojas’ Music for 22 le 25 juin à The Ironworks et Alvaro Rojas (Solo) le 4 juillet au Western Front. Gratuits, les deux spectacles seront diffusés en direct dans le cadre du programme virtuel du festival.
Même si les nouvelles compositions du guitariste, né au Pérou mais vivant à Vancouver depuis l’âge de quatre ans, ont été écrites en solo, l’idée de collaborer avec d’autres musiciens est vite devenue une autre source d’inspiration.
« J’ai commencé à écrire des morceaux pour guitare seule. Et puis, j’ai commencé à les écouter et à penser, ‘Oh, celui-ci sonnerait bien arrangé pour un quatuor à cordes !’ », raconte le musicien. « Et donc Music for 22, ce sont ces pièces en solo, avec un quatuor à cordes ».
Gran Kasa, le titre du dernier album d’Alvaro Rojas si grande maison, fait aussi référence à la grosse caisse dans un orchestre, explique le musicien. Ou encore, ajoute-t-il, « la vraie grande maison c’est la terre, c’est notre planète ».
C’est avec cet album, dans lequel Alvaro Rojas a co-écrit une chanson avec la chanteuse et compositrice péruvienne Susana Baca, qu’il a commencé à explorer les sons afro-péruviens de son pays d’origine, sons qui se sont ensuite ajoutés à son riche vocabulaire musical, déjà composé des influences du jazz, de la musique de chambre, et du rock progressif, entre autres.
Peggy Lee (violoncelle), Josh Zubot (violon), Meredith Bates (violon), et Lucy Strauss (alto), des musiciens très bien connus de la scène jazz de Vancouver, accompagneront le guitariste dans son concert à The Ironworks.
Les sons de nos ancêtres
« Quand j’ai commencé à faire ce travail, je n’ai vraiment jamais voulu les modifier », dit Julia Úlehla, chanteuse de Dávala, le projet musical qu’elle a créé avec son mari le guitariste Aram Bajakian. Julia Úlehla parle des chansons traditionnelles moraves (tchèques) que son arrière-grand-père a transcrites il y a plus de cent ans et qui forment la base de leur album The Book of Transfigurations, sorti en 2017 et grandement acclamé par la critique.
Pourtant, tel que la chanteuse l’explique, le contexte de la pandémie et la souffrance qu’elle a engendrée autour du monde l’a forcée à envisager ces mélodies ancestrales de façon différente.
« Je me suis en quelque sorte engagée dans ce chaos et ce dénuement, et dans ma propre pratique. J’ai commencé à improviser beaucoup plus. Et ainsi les chansons sont devenues miennes, en quelque sorte, telles des passerelles ou des compagnes dans ce processus », décrit l’artiste. Dans les séances d’improvisation, Julia Úlehla laissait une mélodie et un type d’échelle musicale, dans ce cas le mode, la guider vers de nouveaux espaces musicaux tout à fait imprévus au point qu’elle « ne savait plus où j’étais »
Dans leur spectacle au Festival de jazz le 26 juin à Performance Works, Dávala jouera des morceaux provenant de The Book of Transfigurations ainsi que de leur nouvel album, enregistré récemment à Vancouver. La celliste Peggy Lee et le violoniste Josh Zubot accompagneront aussi Dávala lors du concert.
Un riche patrimoine musical
Les mots des chansons traditionnelles moraves – le point de départ pour les compositions tout à fait contemporaines de Dálava – touchent à des thèmes qui semblent aller au-delà de la mémoire humaine. Tel que l’explique Julia Úlehla, qui en plus de chanteuse est doctorante en ethnomusicologie à l’Université de la Colombie Britannique, certaines phrases dans les chansons folkloriques dateraient de plus de 3 000 ans.
« Les thèmes portent beaucoup sur la vie, dans son existence quotidienne, mais aussi, dans son genre d’existence magique ou spirituelle, de sorte qu’il n’y a pas vraiment cette séparation entre la réalité matérielle et la réalité spirituelle ». « Très souvent », ajoute-t-elle, « il s’agit des conversations entre une mère et une fille, ou des arbres qui deviennent des personnes ». C’est un genre de monde « où tout est vivant », dit-elle.
Les musiciens Alvaro Rojas et Dálava, armés du riche patrimoine musical qu’ils explorent, sont prêts à tout laisser sur la scène lors du festival. Le public est invité à s’abandonner en ouvrant ses oreilles et son cœur devant ce grand talent artistique – le tout dans l’esprit du festival de jazz.
Pour plus d’informations et pour réserver ou acheter des billets, visitez www.coastaljazz.ca/event/alvaro-rojas-music-for-22 ou www.coastaljazz.ca/event/dalava-2.