La normale ou l’anormal

De nos jours, il est beaucoup question de retour à la normale. Si l’élection fédérale que l’on vient de subir est un indicateur valable, il n’est pas faux d’affirmer qu’il en est ainsi. Dans l’ensemble, je constate, comme d’autres plus futés que moi l’ont déjà fait, qu’avec la composition du nouveau parlement, le résultat des élections nous indique clairement qu’à quelques exceptions près, c’est du pareil au même. Ainsi, à priori, rien n’a changé. La constance, l’habitude sont les mamelles de la normalité, me fait-on savoir. De même, le gaspillage et le mécontentement vont de pair : rien de plus normal.

La remise en question des chefs de parti après une défaite ne peut étonner, elle entre dans une logique tout à fait normale. La démission d’Annamie Paul, du Parti vert, en ce sens n’a surpris personne. On s’y attendait. Quoi de plus normal que de rendre les armes lorsque vos affaires battent de l’aile ? D’autres têtes, possiblement, risquent de tomber sous peu. Ainsi pourraient s’exprimer, trop littéralement malheureusement, les Talibans de retour au pouvoir en Afghanistan après une vingtaine d’années d’absence qui leur ont paru complètement anormales. Ils peuvent dorénavant talibanner à volonté comme si c’était normal.

Le bras de fer diplomatique qui mettait aux prises la Chine, les États-Unis et le Canada a fini, c’était une question de temps, par connaître un heureux dénouement comme chacun le sait. Les deux Michael sont de retour au pays où ils ont été chaleureusement accueillis par leur famille respective ainsi que par les représentants du gouvernement fédéral et, plus particulièrement, par Justin Trudeau, désireux, grâce aux séances de photos que créait l’occasion, de redorer son image quelque peu ternie par sa décision de déclencher inutilement les élections fédérales. Rien de surprenant dans son comportement. Rien de plus normal, pourrait-on aussi ajouter presque sans rancœur.

Michael Kovrig (à gauche) et Michael Spavor (à droite). | Photo d’International Crisis Group et Daehanmindecline

Meng Wanzhou, héritière de l’empire Huawei et directrice financière du géant des télécoms chinois, est, de son côté, retournée chez elle à Shenzhen dans la province du Guangdon après presque trois ans d’assignation à résidence dans sa luxueuse résidence à Vancouver. Par contre, messieurs Kovrig et Spavor, les deux ressortissants canadiens obtenus en échange (n’ayons pas peur des mots), à l’opposé du traitement encouru par la princesse d’Huawei, ont passé leur détention dans une prison chinoise aux conditions déplorables. Vous trouvez ça normal ?

Cette affaire maintenant finie, mais pas tout à fait classée, on pourrait penser que les relations avec la Chine vont reprendre leur cours normal. Ce serait à mon avis mettre la charrue avant les dragons. Pas mal d’obstacles restent à franchir avant d’en arriver là. Le Canada, à l’image de son gouvernement, s’est fait vivement critiquer, sinon corriger. Cela laisse des traces et des séquelles difficiles à cicatriser. Ça se comprend, c’est tout à fait normal. Pas mal de vin de l’Okanagan doit passer sous les ponts du fleuve bleu (Yangzy Jiang) avant de reprendre des relations normales avec un pays qui est loin de vous vouloir du bien. Rien d’anormal en ce sens.

Cela va bientôt faire deux ans que nous vivons avec la COVID-19. Nous nous sommes, en quelque sorte, habitués à cette pandémie. Nous avons pris à son égard des habitudes : masques, distanciation sociale, preuve de vaccination, et que sais-je encore. En fait, nous subissons sa loi. Il est difficile d’imaginer qu’il puisse en être autrement. Ces restrictions, somme toute, nous semblent essentielles, nous apparaissent totalement normales. Plus normal que ça, tu meurs.

Récemment, je me suis rendu à Tofino pour y passer le week-end. À l’hôtel, qui était loin d’être bon marché, on nous a fait savoir qu’en prévention de la pandémie, il n’y aurait personne pour faire le ménage de notre chambre. Je n’ai pas rechigné. Par les temps qui courent j’ai trouvé ça approprié. En payant la note, dont le montant n’a pas pris en considération le manque de service, j’aurais aimé exprimer ma surprise et mon désaccord mais, puisque de partout il en est ainsi, je n’ai rien dit. Plus j’y pense, plus je ne trouve pas ça normal.

Les températures extrêmes durant l’été, provocatrices de ce que j’appelle les CCC (Continuelles Catastrophes Climatiques) vont-elles cesser ? Pas que je sache. Au contraire, les experts nous font savoir que, dorénavant, il en sera ainsi, qu’il faut s’y faire, que ce comportement de mère nature, conséquence du réchauffement de la planète dû à la négligence et au manque d’action des nations envers elle, devient la nouvelle norme. Trouvez-vous ce raisonnement normal ? Bien que je m’y oppose, je crains malheureusement que ces oiseaux de malheur aient bien raison. Alors, pourrait-on penser, à quoi peut bien servir la conférence de Glasgow sur les changements climatiques qui s’en vient ? Il serait anormal et surtout immoral, selon moi, de ne rien faire.