L’exposition « Life of Mine » examine l’exploitation minière à travers le prisme du capitalisme colonial

Au détour d’une librairie, par la rencontre d’un vieux libraire, beaucoup trouvent, par hasard, de rares ouvrages, ouvrant une porte sur un nouvel intérêt, nouveau champ de réflexion. Ce fut le cas pour Abraham O. Oghobase, artiste d’origine nigériane basé à Toronto, qui trouva par hasard, dans une petite librairie de Johannesburg, en Afrique du Sud, trois précieux volumes sur l’Industrie minière dans la nation arc-en-ciel.

De cette découverte littéraire est née l’exposition Life of Mine, présentée jusqu’au 30 juillet 2023 à la Polygon Gallery.

Double sens

C’est sur les murs et les vitres de la Polygon Gallery, près des quais de Vancouver Nord, qu’il est possible de voir ce nouveau projet d’Abraham O. Oghobase, explorant les liens entre la terre, le corps et leur exploitation. En jouant sur le double sens de Mine en anglais dans le titre, l’artiste-photographe crée un parallèle entre la vie d’une mine, l’apogée et l’effondrement d’exploitations minières, selon la quantité de richesses qu’elles peuvent produire, et le corps humain, sa perception, son histoire et son exploitation.

Schematic 1 04A, 2023. | Photo par Abraham Oghobase

« Mais d’un autre point de vue, Life of mine [ma vie] pourrait aussi se référer à la réflexion d’Abraham sur sa propre expérience d’homme noir, d’homme africain, dont la vie – directement et indirectement – a été façonnée par le capitalisme colonial », ajoute Elliot Ramsey, commissaire d’exposition.

Intersection

En superposant des références à l’extraction minière et des photocopies de parties de corps humain, Abraham O. Oghobase rapproche les deux types d’exploitations du corps et de la terre, souligne la logique derrière cette idée de labeur.

« Abraham a réfléchi à l’intersection du colonialisme et de l’exploitation minière, et à la manière dont les industries extractives peuvent également extraire le sentiment de relation ou d’appartenance à un lieu », précise Elliot Ramsey.

L’artiste reproduit également ces exceptionnels diagrammes issus de livres publiés au début du siècle dernier, à l’aide de vinyl collé sur les vitres de la galerie, pour souligner une forme de dichotomie dans ce rapport à l’extraction et au labeur. La qualité et la beauté intrinsèque de ces schémas est mise en valeur dans cette installation, mais elles renforcent également l’écart avec l’envers du décor de l’industrie minière.

« Vous commencez à voir les dessous de ces diagrammes… C’est aussi quelque chose qui concerne la destruction complète d’un paysage, d’un lieu….et cela a commencé à former la façon dont je pensais à la terre en tant que corps, mais aussi au corps, en tant que terre… », explique Abraham O. Oghobase.

Les tracés au vinyl noir sur les vitres de la Polygon Gallery laissent aussi voir le paysage de Vancouver au loin, les bateaux qui arrivent au port, les passants qui marchent sur les quais, invitant également le public a donner de nouveaux sens à ces diagrammes et ces paysages, à réinventer la facon dont chacun perçoit l’histoire, la relation à la terre et au corps humain.

« Il y a une approche conceptuelle, en termes de comment je pense à cet espace et en référence aux matériaux », ajoute l’artiste. La disposition des œuvres a été conçue pour que les visiteurs puissent créer de nouveaux rapprochements, entre l’histoire de l’Afrique et celle du Canada, qui, selon l’artiste, se rapproche de celle du Nigéria, en ce qui touche l’extraction minière.

« Les contextes nigérian et sud-africain auxquels [l’artiste] fait référence dans son travail présentent de nombreux parallèles avec la situation et l’histoire [coloniale] du Canada », achève Elliot Ramsey.

Mais ces parallèles que proposent Abraham O. Oghobase entre le Canada et le continent africain permettent également aux visiteurs de créer de nouvelles façons d’expérimenter cette histoire particulière et « la mémoire de l’extraction ». En rapprochant symboliquement deux continents et deux histoires, Life Of Mine offre au public un nouveau paysage, pour laisser réinventer la manière dont chacun s’engage dans la production de connaissances, le rapport à son propre passé et créer de nouvelles perspectives pour le futur.

Pour plus d’information visiter: www.thepolygon.ca