L’exposition « Intimacy and Distances » à la Galerie du Centre A met en lumière l’univers intimiste de Maiko Jinushi, une artiste tokyoïte

Sous le trait d’encre et les pinceaux de Maiko Jinushi, artiste basée à Tokyo, des visages et des corps prennent forme pour exprimer notre relation à l’espace et aux autres, explorant l’effet des communications numériques et de la distance physique ou émotionnelle sur ces relations. L’exposition Intimacy and Distances, présentée au Centre A : Centre international d’art asiatique contemporain de Vancouver jusqu’au 10 novembre 2023 est organisée par Makiko Hara, basée à Vancouver.

Dans l’univers artistique de Maiko Jinushi, on découvre des visages dessinés à l’encre noire, des court métrages, et de la poésie pour méditer sur les relations distendues entre les personnes et les lieux après l’absence et le confinement.

Oxymore

L’introspection de l’artiste suite au confinement lui a permis d’étudier la relation complexe entre le soi et les autres en s’intéressant aux concepts, à première vue contradictoires, de l’intimité et de la distance. Faisant écho aux dessins et autoportrait de l’artiste, un court-métrage intitulé Lip Wrap / Air Hug / Energy Exchange (2020), explore cette relation conflictuelle entre le besoin d’intimité et la nécessité de distance ou barrières physiques. Dans cette courte vidéo, l’artiste récite un de ses poèmes écrit en 2018, et associe sa prose a des éléments de dessin et d’animation simples pour évoquer ces besoins contradictoires d’intimité et de distance, cet oxymore vécu par chacun. « Bien que j’aie écrit le texte comme une sorte d’histoire d’un futur proche avant la pandémie de coronavirus, les éléments comme les préservatifs pour les baisers, ou le sentiment de satisfaction en recevant des autocollants de personnages d’animaux câlins par une application de messagerie, sont devenus une réalité plus commune aujourd’hui » explique Maiko Jinushi.

Lip Wrap / Air Hug / Energy Exchange. | Photo par Maiko Jinushi

Souvenirs

Mais l’artiste explore également la distance entre soi et les personnes et lieux que l’on a quittés, entre ces relations et ces endroits qui évoluent séparément, loin du regard et qui deviennent souvenirs. Le court métrage A Detective in Mexico City (2020) utilise les vers du poète et romancier chilien Roberto Bolaño, intitulé Generación de los párpados eléctricos / Irlandesa no. 2 Constelación Sanjinés, pour saisir ces sentiments conflictuels envers les personnes et lieux qui font désormais partie des souvenirs. Maiko Jinushi utilise aussi les mots du poète voyageur pour explorer le rapport de chacun au numérique, et ses effets sur les relations humaines. « Ce poème décrit les sentiments non résolus de Bolaño pour son ex-petite amie, ainsi que les jurons qu’il profère à son encontre. Le titre de ce poème, publié en 1979, [Generación de los párpados eléctricos], « Génération de paupières électriques » [en français], m’a intrigué. Je ne sais pas exactement ce que l’acte de regarder à travers des paupières électriques signifiait pour Bolaño, mais je l’ai réinterprété pour désigner le fait de regarder à travers des smartphones et des écrans de nos jours », précise l’artiste.

Certains des extraits vidéo présentés dans A Detective in Mexico City (2020) et montrant des couples marchant dans la capitale mexicaine ont été prises sur téléphone portable par Neme Arranz Ruiz, amie de Maiko Jinushi et conservatrice ayant également réalisé la traduction présentée dans l’œuvre. Ces clichés pris à la sauvette dans Mexico, où Roberto Bolaño a vécu, donnent vie aux vers du poète. Ces scènes du quotidien sont complétées par les vidéos prises plus tard par Maiko Jinushi et qui leur ajoutent une nouvelle profondeur et un nouveau sens. L’artiste raconte : « Plusieurs mois plus tard, je me suis rendue à Mexico, je me suis promenée à la recherche de l’endroit où elle avait pris les vidéos cachées, et j’ai filmé le même endroit avec une caméra numérique », raconte l’artiste, qui ajoute « Cette vidéo [finale] est donc une combinaison de la vidéo à composition verticale du smartphone et de la vidéo à composition horizontale de l’appareil photo. Entre les deux images, le temps passe, les saisons changent et les personnes qui étaient là ne sont plus là. »

L’oeuvre de l’artiste tokyoïte, superposant son travail à celui du poète chilien, rappelle alors ce rapport d’intimité unique de chaque personne avec ses souvenirs, ces lieux qui sont chers à chacun, qui les ont vu évoluer et grandir des relations, comme chacun s’est vus grandir et évoluer soi-même, et qui persistent, malgré la distance physique, émotionnelle et temporelle, dans nos souvenirs et nos sentiments.

Pour plus d’informations sur l’exposition, visiter : www.centrea.org

Pour en savoir plus sur l’artiste, visiter : www.maikojinushi.com