Le Mois de la sensibilisation aux autochtones en situation de handicap : une initiative unique en son genre

Novembre, le Mois de sensibilisation aux autochtones en situation de handicap, a été créé par le British Columbia Aboriginal Network on Disability Society (BCANDS), une organisation à but non lucratif basée à Victoria. Fondé en 1991, le BCANDS reste encore aujourd’hui le seul organisme spécifiquement dévoué aux besoins des autochtones vivant avec un handicap au Canada. Par l’intermédiaire d’un ensemble de programmes et de services, l’organisation œuvre principalement à faciliter l’accès de ces derniers aux soins médicaux, au marché du travail et au système éducatif. Un travail de longue haleine, qui implique une collaboration étroite avec les autorités et les communautés autochtones à travers le pays. Coup d’œil dans le rétroviseur sur ce mois de novembre 2023 qui s’achève et qui marque la huitième édition de cet événement qui vise à mettre en lumière la réalité souvent difficile de cette communauté.

Le BCANDS fait notamment partie des acteurs consultés par le gouvernement de la Colombie-Britannique pour la conception de son Plan Accessibilité 2024 (Accessibility 2024). Cet ambitieux plan d’action vise à en faire la province la plus accessible pour les personnes en situation de handicap d’ici l’année prochaine. « La Colombie-Britannique reste probablement la province la plus progressiste pour les personnes en situation de handicap », reconnaît Neil Belanger, le directeur général du BCANDS. « Mais il nous reste encore beaucoup de travail à faire, et pour ça il faut qu’il y ait une réelle volonté de changer les choses (…) Le gouvernement pourrait absolument en faire davantage ». Un investissement insuffisant qu’il attribue à une « incompréhension généralisée » des besoins des autochtones en situation de handicap.

Une réalité encore trop méconnue

Selon Statistique Canada, la prévalence du handicap est deux fois plus élevée parmi les peuples autochtones que dans le reste de la population. On estime ainsi que près d’un Inuit sur cinq vit avec un handicap – un chiffre qui s’élève à une personne sur trois chez les membres des Premières Nations et les Métis. Cette disproportion s’explique en partie par un ensemble de facteurs socio-économiques qui rendent les membres de ces communautés particulièrement vulnérables aux problèmes de santé. Dans une étude publiée en 2020, le Centre de collaboration nationale de la santé autochtone indique ainsi que les personnes autochtones sont plus susceptibles de vivre dans une pauvreté persistante et de faire face à l’insécurité alimentaire, ainsi qu’à des inégalités d’accès au logement, à l’éducation et au monde du travail. Tous ces éléments sont reconnus pour leur impact néfaste sur la santé physique et mentale des personnes concernées, souligne l’étude.

Groupe marginalisé au sein d’un groupe lui-même marginalisé, les personnes autochtones en situation de handicap voient leur accès aux services et aux soins nécessaires particulièrement entravé. Isolement géographique, manque d’informations adéquates, politiques inadaptées ou dépassées : autant d’obstacles trop peu tenus en compte par le système actuel, selon Neil Belanger. « Souvent, on se demande : “à quoi bon élaborer des programmes et des services spécifiques [pour ces personnes] ? Après tout, il y a déjà des systèmes en place.” (…) Il y a une réelle incompréhension des obstacles auxquels elles sont confrontées ».

Mais les principaux facteurs de marginalisation demeurent selon lui « le racisme et la discrimination » auxquels les autochtones en situation de handicap sont souvent exposés, notamment au sein du réseau de santé. « Beaucoup de gens ont peur, et hésitent à utiliser le système de santé parce qu’ils s’attendent à ce qu’on les traite différemment », explique-t-il. Un constat amer qui n’est pas sans rappeler les conclusions de l’enquête menée par la province en 2020, faisant état d’un « racisme anti-autochtone systémique » dans le réseau de santé en Colombie-Britannique. Bien que des mesures législatives aient depuis été adoptées pour remédier à la situation, celles-ci demeurent « une tendance trop récente », selon Neil Belanger. Les besoins des autochtones en situation de handicap « sont encore loin d’obtenir la considération qu’ils méritent », regrette-t-il, « et c’est surtout pour cela que nous avons créé le Mois de sensibilisation ».

Un envol surprenant

Si le Mois de sensibilisation vise avant tout à alerter sur la réalité quotidienne des autochtones en situation de handicap, il représente également une occasion de souligner les contributions uniques que ces derniers apportent à leurs communautés et à la société. En huit ans d’existence, l’initiative aura connu une évolution aussi fulgurante qu’inattendue pour ses créateurs. L’évènement est désormais officiellement reconnu et proclamé par plusieurs gouvernements provinciaux, dont celui de la Colombie-Britannique, ainsi que des centaines de villes, d’organisations et de communautés à travers le pays. « On a vraiment parcouru un long chemin », se réjouit Neil Bélanger, qui explique que nombre d’organisations avec lesquelles BCANDS collabore semblent désormais « bien mieux informées sur la réalité des autochtones en situation de handicap ».

Consécration ultime, le Comité des droits des personnes handicapées des Nations Unies a recommandé au gouvernement fédéral de proclamer annuellement le Mois de sensibilisation. Si cette suggestion n’a pas encore été adoptée officiellement, l’initiative a depuis reçu le soutien de plusieurs membres du gouvernement. La ministre de la Diversité, de l’Inclusion et des Personnes en situation de handicap, Kamal Khera, a ainsi récemment tenu à souligner son importance dans une déclaration publiée sur le site du gouvernement : « Lorsque les personnes en situation de handicap ont des possibilités égales de participer pleinement à leur collectivité et à leur milieu de travail et d’y apporter leur contribution, nous pouvons bâtir un Canada plus fort, plus diversifié et plus inclusif, et nous en bénéficions tous ».

Pour en savoir plus sur le Mois de sensibilisation à la réalité des autochtones vivant avec un handicap : www.bcands.bc.ca/indigenous-disability-awareness-month-idam