Fondée en 1986, la Vancouver Association for Survivors of Torture (VAST) est devenue l’un des plus importants centres de réadaptation pour réfugiés au Canada, travaillant avec des survivants de plus de 100 pays dans 12 langues différentes. Depuis près de 35 ans, l’organisme tient un symposium annuel sur la torture afin de sensibiliser la population au sort des réfugiés et des victimes de la torture.
Marc Béliveau
IJL – Réseau.Presse – Journal La Source
Selon le comité canadien de l’Agence des Nations Unies sur les réfugiés (UNHCR), le Canada a accueilli 1 088 015 réfugiés depuis 1980. Parmi ceux accueillis au Canada, il y a un certain nombre de personnes ayant été victimes de torture et de violence. Et ces gens ont des besoins particuliers.
Parmi les conférenciers invités au Symposium, qui s’est tenu le 27 février 2024, le Dr Hammad Hashmi, membre au sein de VAST, résume ainsi le cycle de trois phases critiques dans l’intégration des réfugiés victimes de traumatismes divers.
« La première phase, dans le camp où se trouvent les réfugiés, c’est la prise de décision angoissante de quitter son pays, sa famille et ses amis, et la perspective de devoir apprendre une langue étrangère. Avant même leur départ, ces réfugiés vivent un degré d’inconfort et d’incertitude. Puis, une fois arrivés dans leur pays d’accueil, plusieurs ressentent une perte d’identité et un choc culturel face aux défis à relever. Ils sont sans statut, sans famille et sans communauté, donc en situation de vulnérabilité. Finalement, en l’absence de liens sociaux, leur intégration est souvent longue et pénible, en raison de leur situation précaire, côté logement ou travail, et ils sont plus susceptibles d’actes de racisme et de discrimination ».
Présent à ce symposium de façon virtuelle, Mulugata Abai, directeur du Canadian Center for victims of torture (CCVT) à Toronto, a rappelé les efforts du Canada qui s’est acquis une solide tradition dans l’accueil des réfugiés. Il a rappelé que « son organisme, le CCVT, a été fondé en 1983 par des médecins, des avocats et des professionnels des services sociaux de Toronto associés à Amnesty International. Cette organisation à but non lucratif vient en aide aux survivants de la torture, de la guerre, du génocide et des crimes contre l’humanité ». Il a souligné fièrement que « le CCVT a été le premier centre du genre en Amérique du Nord, et le deuxième au niveau mondial, après la création d’un centre pour les victimes de torture à Copenhague, au Danemark. Les deux organismes maintiennent toujours des liens étroits de collaboration.
Pour sa part, l’organisme VAST doit sa création à des militants des droits humains et des travailleurs de la santé mentale à Vancouver pour soutenir les réfugiés arrivant des conflits armés en Amérique du Sud et centrale. L’organisme s’intéresse plus particulièrement aux services de soutien et de réhabilitation en santé mentale et bénéficie d’un soutien financier de la Vancouver Foundation.
Au cours du Symposium de cette année, quelques participantes, victimes de torture et de traumatismes, ont partagé leur expérience.
Maya est née à Téhéran, en Iran. Elle a été incarcérée pendant quatre ans comme prisonnière politique. Elle reconnaît avoir milité pour un changement de régime politique lorsqu’elle était étudiante. Son fils est né en prison, et son conjoint a été exécuté par le régime des Ayatollahs. Elle a souffert de torture émotionnelle qui l’a menée à la dépression. Elle a survécu à ces sévices, raconte-t-elle, « en s’efforçant de ne pas penser, en effectuant des exercices, écoutant de la musique et par la lecture, même après son incarcération ». Elle affirme « s’être libérée en cherchant de l’aide et en faisant face à ses traumatismes ». Elle a été accueillie au Canada et elle est aujourd’hui conseillère auprès des victimes de torture.
Maria est mexicaine d’origine. Elle faisait la promotion des droits humains au Mexique. Mais elle a dû quitter son pays comme réfugiée en quête de protection, ayant été violentée sexuellement. « Se relever d’un traumatisme prend du temps », dit-elle. Aujourd’hui, elle détient une maîtrise en psychologie sociale.
L’un des participants du symposium leur a demandé comment elles ont pu survivre intérieurement à ce genre de situation. Pour Maya, « ce fut son désir d’être une mère exemplaire pour son fils… », et pour Maria, « c’était de devenir une voix pour toutes ces femmes victimes de viol et de se
faire entendre ».
Ce symposium 2024 aura permis d’entendre une quinzaine de conférenciers sur l’importance de s’intéresser au sort des réfugiés et de l’aide dont ils ont besoin pour refaire leurs vies.