Un petit marais endommagé des Kootenays Ouest en Colombie-Britannique, niché sur le territoire traditionnel du peuple Sinixt, est devenu un symbole de décolonisation. Le documentaire de 70 minutes Snk̛míp Dig Deeper relate le parcours de sept ans menés par les coréalisatrices et coproductrices, Lorna Visser, une allochtone environnementaliste, et Marilyn James, la matriarche du groupe autochtone Autonomous Sinixt. Arrêt sur image, à la découverte d’un ancien village autochtone .
Marie-Paule Berthiaume – IJL – Réseau.Presse – Journal La Source
Avec l’aide de leurs alliés, les deux femmes ont guidé la restauration écologique du marais Snk̛míp. Ce qui a commencé comme une mission de restauration écologique pour la fiducie foncière Valhalla Foundation for Ecology (VFE) s’est transformé en un examen de la gestion des terres, de l’histoire profonde et de la réconciliation entre les autochtones et les allochtones. L’approche « hybride » du documentaire met en lumière la collaboration entre les perspectives allochtones et autochtones. Elle révèle des pans gommés de l’histoire autochtone du territoire et fait découvrir celle, plus spécifique, du peuple Sinixt, déclaré éteint, voire, par le gouvernement canadien depuis 1956.
Perspective allochtone
Lorsque la Valhalla Foundation for Ecology a acquis le marais de 34 acres en 2017, elle s’est uniquement concentrée sur la restauration écologique.
« Comme les spectateurs pourront le constater dans le film, nous pensions au début que la nature avait la capacité de se guérir elle-même. Nous avons vite compris qu’il nous restait beaucoup de travail à accomplir. Tout au long de ce processus, nous avons donc collaboré avec des biologistes, des ingénieurs, des spécialistes en restauration de zones humides, les membres des Autonomous Sinixt et des bénévoles », explique la directrice de la VFE, Lorna Visser.
Une équipe concentrée sur la restauration a éliminé les espèces envahissantes, planté plus de 1 200 arbustes indigènes, agrandi la zone humide et aménagé un espace inclusif composé d’un sentier accessible aux fauteuils roulants, menant à une aire naturelle qui surplombe le marais.
« La découverte de la présence d’un village Sinixt a marqué un tournant décisif », explique Lorna Visser. « Comment la section provinciale d’archéologie a-t-elle pu affirmer que la valeur patrimoniale autochtone de ce site est négligeable? Si les allochtones ont besoin d’être convaincus, le livre Handbook of North American Indians de la Smithsonian Institution indique clairement le site du village. »
Le parcours d’une matriarche
Pour Marilyn James, Snk̛míp Dig Deeper documente la réparation culturelle conjointe, par les Sinixt et les allochtones, d’un marais situé sur le site d’un village traditionnel. « Même si le peuple Sinixt n’a plus de village à cet endroit, ce film, réalisé en collaboration avec nos alliés de la VFE, reconnaît et honore le fait que notre peuple y ait vécu pendant longtemps. Il témoigne de ce qu’aurait été notre vie sans la colonisation, l’extinction et le dépouillement de notre territoire traditionnel. La restauration du territoire illustrée dans le documentaire témoigne du retour des terres à l’état dans lequel nos ancêtres les auraient préservées. »
Elle espère que Snk̛míp Dig Deeper permettra aux « non autochtones qui le regarderont de sonder leur coeur afin de comprendre les responsabilités des Sinixt en vertu de nos lois traditionnelles. Et j’espère que les spectateurs verront comment des relations interculturelles productives et respectueuses peuvent s’établir entre les peuples autochtones et allochtones. »
Toujours selon Marilyn James, le film illustre le travail d’éducation, de décolonisation et de développement de liens, non seulement entre les individus, mais surtout avec le territoire, selon les lois Sinixt de whuplak’n, la responsabilité pour tout ce qui se trouve sur leur territoire et de smum iem, le bien-être de la communauté appartient aux femmes. « Ces notions sont essentielles si nous souhaitons établir des relations saines entre tous les êtres de la planète, et pas uniquement avec les Sinixt. »
En tant que coréalisatrice et coproductrice du film Snk̛míp Dig Deeper, Marilyn James a voulu mettre en lumière les politiques génocidaires des gouvernements coloniaux et les attitudes et politiques racistes qui nuisent aux peuples autochtones et à leurs territoires.
« Pour les Sinixt en particulier, l’impact de ces politiques est profond : nous sommes injustement considérés comme éteints à travers la Loi sur les Indiens au Canada. Malgré cela, nous, les Autonomous Sinixt, continuons à assumer nos responsabilités en tant que gardiens légitimes de ce territoire », déclare la matriarche.
Pour plus d’informations : https://www.digdeeperfilm.ca