Les médias portugais, disparus de Colombie-Britannique

A l’occasion du mois de l’héritage portugais en juin à Vancouver, La Source s’intéresse aux médias consacrés à cette communauté. Et ils sont peu, voire inexistants, malgré les 35 000 Portugais présents en Colombie-Britannique, dont 20 000 dans la seule ville de Vancouver.

Alvaro Mendes et Paulo Garrido émettent sur les ondes provinciales en portugais. | Photo de Paulo Garrido

Alvaro Mendes et Paulo Garrido émettent sur les ondes provinciales en portugais. | Photo de Paulo Garrido

Pourtant, un programme radio fait de la résistance. Deux pour être exact, ceux d’Alvaro Mendes et Paulo Garrido, émis sur les ondes depuis Vancouver (grâce à la radio multiculturelle CHMB) et Victoria (grâce à l’Université de Victoria). « L’UVIC bénéficie d’aide du gouvernement, et doit avoir des programmes radiophoniques variés, représentant les différentes communautés de Colombie-Britannique. Elle est gagnante à nous avoir sur ses ondes, et nous, ça ne nous coûte rien », explique Paulo Garrido, animateur de Portugueses Postcards, son émission hebdomadaire, diffusée tous les samedis à 17 heures. Alvaro Mendes anime de son côté Portugal no Coracao, le dimanche à la même heure, un programme créé en 1993 qu’il a rejoint en 1997.

Ce sont les deux seuls médias destinés à la communauté portugaise de Vancouver. Pourtant, ils étaient nombreux il y a une dizaine d’années. Parmi eux, Lusitania, un mensuel gratuit créé en 2003. Alvaro Mendes faisait partie de l’équipe : « Nous voulions vraiment que la première publication ait lieu en 2003 puisque c’était le cinquantième anniversaire de l’arrivée officiellement parrainée des Portugais au Canada. Tout s’est fait très vite, et cela a duré cinq ans ». En 2008, l’enthousiasme s’estompe et les bénévoles jusque-là motivés délaissent le projet. Sans compter qu’il était difficile de faire vivre ce journal financièrement.

Pourtant, la communauté portugaise aime à se retrouver et suivre les médias dans sa langue. Pour preuve, Alvaro Mendes assure qu’en 2010, il rassemblait 27 000 personnes sur les ondes, émettant jusqu’en
Alberta et dans l’État de Washington. « Je suis très impliqué au sein de la communauté, les gens me connaissent et m’écoutent », se réjouit-il. Mais Paulo regrette que beaucoup n’aient pas connaissance de l’existence de leurs programmes : « C’est par l’Église que nous touchons la plupart de nos auditeurs (Our Lady of Fatima, sur la 13e Avenue à Vancouver ; sur Elk Lake Drive à Victoria, ndlr). La communauté portugaise est très pratiquante, nous nous retrouvons là-bas ; donc ceux qui ne se rendent pas à l’église, ne nous connaissent pas », regrette Paulo Garrido. Raison pour laquelle la plupart des auditeurs est issue de la troisième génération d’immigrants, voire la deuxième.

José, ancien lecteur de Lusitania. | Photo par Mathilde Liogier

José, ancien lecteur de Lusitania. | Photo par Mathilde Liogier

Nostalgie de ces journaux disparus

Ce sont donc sans surprise les plus âgés à regretter le peu de médias consacrés à leur communauté. C’est le cas de Manuel, 63 ans, arrivé au Canada – Edmonton puis Vancouver – en 1982 : « Les revues qu’on pouvait trouver n’étaient pas du grand journalisme, les sujets étaient légers, mais cela changeait de lire sur Vancouver et la région dans ma langue, de garder ce lien ». Sirotant un jus de fruits à Joe’s café, bar portugais sur Commercial Drive, il se souvient de Lusitania et de sa déception lorsqu’elle a cessé de paraître. « Cela peut sembler bête, d’autant que c’était du journalisme amateur, mais cela changeait. Bien sûr, je peux lire la presse portugaise en ligne maintenant, mais ce n’est pas la même proximité, ça ne concerne pas les Portugais de Colombie-Britannique », explique le retraité. Un point de vue que ne partage pas José, client du Portuguese Club of Vancouver. Il raconte qu’au club, les magazines portugais de la province abondaient il y a quelques années, mais qu’il ne les regrette pas vraiment : « Autant en Ontario c’est une presse de bonne qualité, qu’en Colombie-Britannique pas du tout… S’il y avait de nouveaux journaux aujourd’hui, je les prendrais sûrement, mais cela ne me manque pas actuellement ». Arrivé au Canada il y a 39 ans, il précise aussi que sa vie est ici, qu’il lit donc la presse en anglais, et consulte les journaux du Portugal s’il veut lire dans sa langue maternelle.