Seul hebdomadaire catholique de la Colombie-Britannique, The BC Catholic n’a pas attendu les récentes tragédies de migrants pour mettre la question des réfugiés au centre de son action. Le journal et son pendant associatif oeuvrent dans l’ombre depuis des décennies. Rencontre.
Jeudi 3 septembre 2015, le monde découvre horrifié une photo du corps sans vie du petit Aylan, 3 ans, échoué sur une plage turque alors qu’il tentait, avec ses parents et son frère, de gagner l’Europe. La famille Kurdi est originaire de Kobané, un village du nord de la Syrie qui a connu, en juin dernier, l’un des pires massacres commis par l’organisation État islamique.
Comme les Kurdi, ils sont quatre millions à avoir fui la Syrie, où le conflit s’est installé depuis 2011. Après quatre ans de guerre, le drame de la famille Kurdi, dont seul le père est sorti vivant, a résonné comme une prise de conscience internationale. Collectes de fonds, attention médiatique internationale, il aura fallu une image choc, un symbole, pour remettre la question des réfugiés sur le devant de la scène…. mais jusqu’à quand ?
Charité chrétienne
Dès le lendemain du drame, les bureaux du BC Catholic de l’archidiocèse catholique romain de Vancouver débordent d’appels : « Que faire ? » « Comment aider ? », raconte le rédacteur en chef Malin Jordan. « Nous avons dû mettre en place des sessions d’information pour organiser l’aide et répondre aux questions », explique-t-il. Un élan de solidarité propre à la charité chrétienne, selon lui.
L’équipe du BC Catholic est habituée. Comme c’est souvent la tradition chez de nombreuses institutions religieuses, le journal et l’association qui lui est rattachée – The Office of Service and Justice – s’occupent de parrainer des réfugiés depuis de nombreuses années. « Plus de 30 ans » selon la directrice du bureau Evelyn Vollet.
25 000 $ à 30 000 $ par famille
L’archidiocèse catholique romain de Vancouver compte parmi les plus importants parrains privés pour réfugiés au Canada. « Cette année, à ce jour, nous avons déjà parrainé plus de 90 réfugiés. L’année dernière, nous en avons accueilli seulement 50 sur 12 mois, mais en 2013, ils étaient 500 ! C’est très variable en fonction de la conjoncture internationale », explique Evelyn Vollet.
Qui dit parrainage privé, dit fonds privés. « Il faut compter 25 000 $ à 30 000 $ pour une famille de quatre personnes. Ce sont les paroisses qui s’occupent de réunir les fonds grâce à des dons de la communauté », précise-t-elle.
Il existe en Colombie-Britannique 14 organisations agréées par Immigration Canada pour le parrainage privé, dont plus de la moitié sont des institutions religieuses. « Le Programme de parrainage privé est une partie très importante du Programme de rétablissement des réfugiés, permettant aux Canadiens et aux résidents permanents de s’unir pour parrainer des réfugiés, les aider à trouver une protection et commencer une nouvelle vie au Canada », a déclaré Immigration Canada dans un courriel à La Source.
Lourdeurs administratives
« Le pape François a récemment encouragé chaque paroisse catholique à accueillir au moins une famille syrienne », rappelle Johan Ketelers, secrétaire général de la Commission internationale catholique sur la migration. Mais il souligne également le besoin d’un meilleur soutien aux parrains privés bien souvent embourbés dans la bureaucratie et les démarches administratives. « Les pratiques existantes doivent être améliorées. Se contenter d’imposer des quotas de réfugiés sans fournir les ressources adéquates et sans partager les données sur les capacités d’accueil ne fait que prolonger la crise », regrette Johan Ketelers.
Même constat du côté du BC Catholic. Malin Jordan indique que les procédures de parrainage peuvent prendre de six mois à deux ans. Un période durant laquelle les familles doivent attendre malgré le danger dans le pays d’origine ou à l’étranger. Attendre, mais du temps, elles n’en n’ont généralement pas. L’urgence, c’est justement ce qui a fait quitter la Syrie à la famille Kurdi. Une fois en Turquie, c’est par ses propres moyens, avec un passeur, qu’elle a tenté de s’offrir une vie meilleure.
Ce sont ces histoires singulières que The BC Catholic raconte depuis des décennies. Le but : mettre un visage et un peu d’humanité derrière des statistiques et des chiffres affolants. « Comme tout journal communautaire, nous racontons des histoires qui concernent la communauté, et la nôtre soutient et continuera de soutenir coûte que coûte les réfugiés en détresse », conclut modestement Malin Jordan.