Photo Théâtre de La Seizième

En ce début d’année 2012, le Théâtre francophone de la Seizième fait preuve, sans conteste, d’originalité en nous présentant sa nouvelle pièce intitulée Traces. Cette pièce, surtitrée* en anglais, sera présentée du 31 janvier au 11 février 2012. Loin des conventions traditionnelles, elle présente un projet à la fois singulier et profondément humain.

La plupart du temps en matière de théâtre, ou plus largement de divertissement, les conventions sont claires : il s’agit de présenter une histoire fictive du début jusqu’à la fin. Or ce n’est pas le procédé retenu par les deux auteurs de la pièce, Craig Holzschuh et Anita Rochon.

L’histoire met en scène Daniel (rôle tenu par Joey Lespérance) qui, de retour d’un deuil, retrouve la galerie d’art, dont il est le commissaire d’exposition, au bord de la faillite. Alors qu’il cherche un concept pouvant donner un nouveau souffle à l’établissement, il tombe sur la vidéo de Catherine (rôle tenu par Jessica Heafey), une employée. Dans cette vidéo, Catherine, un peu éméchée, raconte à un groupe scolaire le souvenir qu’elle a d’une œuvre qui ne figure pas dans la galerie. Cette tranche de vie se transforme en exposition, et l’exposition connaît un énorme succès. Pourtant, leur histoire ne cesse de se détraquer.

Théâtre documentaire : entre fiction et réalité

Les auteurs nous offrent ici un concept nouveau en développant une histoire principale au sein de laquelle viennent s’ajouter les propres souvenirs des comédiens. Cela génère un double langage où sont mêlées réalité et fiction, ainsi que vie privée et vie publique.

Cette idée est née, il y a quelques années, de l’intérêt des deux auteurs pour un style bien particulier de théâtre : le théâtre documentaire. Si Anita Rochon avait déjà approché ce type de théâtre, Craig Holzschuh n’en n’avait jamais fait l’expérience. A cela s’est ajoutée l’observation de notre société. C’est notamment le besoin d’en savoir toujours plus sur la vie des autres et de parler de sa propre vie qui a intéressé Craig Holzschuh.

En plaçant l’homme dans ce qu’il a de plus réel, et non plus le comédien, au cœur de la pièce, les auteurs posent la question suivante : « Est-ce que les gens sont plus intéressants que n’importe quelle fiction ? »

Notons que ce qui est singulier pour le public, l’est également pour les comédiens.

Même s’il n’a eu aucune hésitation à accepter le rôle, tellement cela lui semblait être « un projet qui sortait de l’ordinaire », Joey Lespérance nous confiait qu’au début, cela n’a pas été simple et a même créé pour lui un certain malaise. Car parler de sa propre vie, sans la protection et la distance offertes par un personnage, est toujours difficile pour un comédien. L’équipe s’est réunie une semaine afin de discuter des thèmes et des histoires à retenir pour la pièce. Finalement, comme le dit Craig Holzschuh, « la sélection s’est faite assez naturellement ».

Le constat est positif et, comme aime à le rappeler Joey Lespérance, « tout le monde a des histoires intéressantes pour une scène ». Mais si le premier défi des comédiens était de franchir la frêle frontière entre fiction et réalité, il y avait également un pari technique à relever. Passer sans arrêt du personnage à soi, et donc de la fiction à la réalité, et cela de manière à ce que tout soit fluide, n’est pas une tâche aisée. Mais le jeu en vaut la chandelle. Pour Joey Lespérance, il est clair que « pour un comédien c’est vraiment une opportunité de jouer quelque chose comme ça. Cela demande une certaine prouesse théâtrale ».

En nous offrant ce projet singulier et étonnant, les auteurs posent des questions pertinentes sur notre société moderne tout en utilisant le format du divertissement. Ce qui est sûr, c’est qu’en posant les bonnes questions – confusion entre réalité et fiction, et entre vie privée et vie publique – cette pièce ne passera pas inaperçue.

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Pour plus d’information :
www.seizieme.ca/fr/saison-11-12/traces