C’est un total de 320 932 migrants qui ont été accueillis au Canada dans la dernière année administrative, achevée le 30 juin dernier. Il s’agit là d’un nombre record pour le pays qui en reçoit en moyenne 250 000 chaque année. C’est le chiffre communiqué par Statistique Canada, déclarant que le pays n’avait pas accueilli autant d’immigrants depuis le début des années 1910, période de colonisation de l’Ouest canadien.
Toutes les provinces ont accueilli davantage d’immigrants par rapport à l’année précédente. La province qui a reçu le plus grand nombre d’immigrants en 2015–2016 est l’Ontario (119 647), suivie par l’Alberta (57 384). Cela marque une rupture avec les tendances historiques récentes, puisque le Québec ou la Colombie-Britannique avaient toujours suivi l’Ontario pour le nombre de nouveaux immigrants. Les chiffres des autres provinces sont les suivants : le Québec (55 074), la Colombie-Britannique (42 832), le Manitoba (17 238), la Saskatchewan (15 006), la Nouvelle-Écosse (5 390), le Nouveau-Brunswick (4 435), et Terre-Neuve-et-Labrador (1 406). Six provinces, dont les trois de l’Atlantique citées ci-dessus et celles des Prairies, en ont reçu un nombre record.
Le nombre d’immigrants admis chaque année au Canada a considérablement fluctué au cours des 150 dernières années. Ces fluctuations sont associées à des changements dans les politiques d’immigration, à l’état de l’économie canadienne ou encore, à des événements mondiaux liés aux mouvements des migrants. D’après Daniel Hiebert, professeur à l’UBC, co-président du Groupe de travail du maire de Vancouver sur l’immigration et membre du Conseil consultatif du sous-ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, le nombre record de l’année dernière était « le résultat d’une accélération de l’immigration ‘’régulière’’ et du grand nombre de réfugiés syriens admis suivant les promesses électorales ». Notons que près de 31 000 réfugiés syriens ont en effet trouvé asile au Canada depuis la fin novembre 2015, selon les chiffres du ministère de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté. « Pourquoi le gouvernement veut-il augmenter les chiffres ? C’est compliqué. En partie, pour des raisons démographiques. En partie aussi, pour maintenir le rapport entre les catégories d’immigration économique/familiale/humanitaire lorsque le gouvernement se lance dans les champs familial et humanitaire », a-t-il poursuivi.
Une question politique
En effet, le succès du système d’immigration du Canada dépend de l’équilibre entre le niveau d’immigration, la répartition des immigrants dans les différentes catégories et la possibilité pour les nouveaux arrivants de s’établir dans des collectivités accueillantes qui leur offrent des emplois, des écoles et des logements. L’intégration et l’adaptation de ces immigrants à la société posent de nouveaux défis au gouvernement. Alors que les impacts sociaux et culturels de l’immigration sont plutôt explicites, il n’en va pas de même pour ses impacts économiques. Le professeur Hiebert explique : « À court terme, l’immigration n’affecte pas l’économie canadienne – chaque personne en plus ajoute de nouvelles activités économiques à peu près au même rapport que le PIB par habitant. Ainsi, l’immigration « fait croître » l’économie, mais proportionnellement à l’augmentation de la population. […] Il n’existe aucun système ou modèle de mesure pour calculer l’implication économique à long terme de l’immigration ».
Toutefois, le gouvernement affirme que l’immigration permet de compenser les effets du vieillissement de la population et le fait que la population active du Canada sera bientôt en déclin. En 2015–2016, l’accroissement de l’immigration a été responsable de plus de 70 % de l’accroissement démographique au Canada et a contribué à faire de cette croissance de population « l’une des plus importantes depuis le baby-boom dans les années 1950 », a déclaré l’économiste Doug Porter de la BMO à CBC. Les immigrants sont beaucoup plus jeunes que la population dans son ensemble, selon les statistiques. Dans cette optique, le gouvernement libéral poursuit sa politique d’immigration en annonçant le 31 octobre dernier la nouvelle cible d’immigration de 300 000 personnes en 2017, dont la majorité sera sélectionnée à titre d’immigrants économiques. Ce chiffre constituera le « nouveau niveau de référence » pour les années à venir.
L’histoire de l’immigration au Canada
Depuis le début de la Confédération canadienne en 1867, plus de 17 millions d’immigrants ont été reçus au Canada. Au début, plus de 80% des immigrants provenaient des Îles Britanniques. Le nombre d’immigrants provenant d’autres pays européens a commencé à augmenter à partir de la fin du 19e siècle. Au début du 20e siècle, le Canada encourageait fortement la colonisation de l’Ouest canadien et accueillait un nombre record d’immigrants. Dans les années 1960, les lois canadiennes en matière d’immigration ont évolué pour éviter toute discrimination raciste et l’immigration s’est de plus en plus diversifiée.