Et si le contenu de nos assiettes pouvait sauver la planète ?

Photo par Manon Hamon

Améliorer notre santé et préserver l’environnement à l’échelle mondiale ? C’est ce que propose le rapport de la commission EAT-Lancet, en élaborant un régime alimentaire planétaire pouvant nourrir sainement et durablement 10 milliards de personnes d’ici 2050.

Le 16 janvier 2019, la commission EAT-Lancet publie un rapport intitulé Food in the Anthropocene : the EAT-Lancet Commission on Healthy Diets From Sustainable Food Systems. Cette commission, co-présidée par les professeurs Walter Willett et Johan Rockström, a réuni 37 experts dans des disciplines variées – dont la santé publique, l’agriculture, les sciences politiques et environnementales. Brent Loken, ancien étudiant de l’Université Simon Fraser, fait partie des auteurs de ce rapport. Titulaire d’un doctorat en gestion des ressources et management environnemental, il est le directeur de la traduction scientifique chez EAT. Cette organisation à but non lucratif basée à Oslo se donne pour mission de changer le système alimentaire mondial.

Johan Rockström est parti du constat suivant : « La production alimentaire mondiale menace la stabilité climatique et la résilience des écosystèmes. Elle constitue le principal facteur de dégradation de l’environnement ». Selon lui, il est urgent d’agir rapidement et de manière radicale pour modifier le système alimentaire mondial. « Sans action, le monde risque de ne pas atteindre les Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies et l’Accord de Paris pour le climat », s’alarme-t-il, dans le rapport de synthèse de la commission EAT-Lancet.

Pour une alimentation saine et durable

La croissance démographique, la malnutrition et les enjeux environnementaux constituent les grands défis du XXIe siècle. Convaincus que l’alimentation joue un rôle primordial sur la santé humaine et l’environnement, les auteurs de ce rapport ont tenté d’établir un moyen de nourrir sainement et durablement une population mondiale de 10 milliards d’habitants d’ici 2050.

Pour ces scientifiques, une alimentation saine ne désigne pas seulement une absence de maladie. Elle doit être définie selon un bien-être physique, ainsi que mental et social, et doit être adapté aux réalités locales et régionales. Une alimentation durable, quant à elle, repose sur six paramètres : les émissions de gaz à effet de serre responsables du changement climatique, les terres cultivées, l’utilisation d’eau douce, l’application d’azote et de phosphore, ainsi que le taux d’extinction de la biodiversité. Dans chacun de ces domaines, le rapport établit des limites dans lesquelles la production alimentaire mondiale devra rester.

« L’adoption universelle d’un régime alimentaire sain pour la planète permettrait d’éviter une dégradation grave de l’environnement ainsi qu’environ 11 millions de décès prématurés par an », estime la commission.

Moins d’animal, plus de végétal

La commission EAT-Lancet a élaboré un régime alimentaire planétaire de référence, prescrivant une consommation de telle quantité pour chaque famille d’aliments. Dans les grandes lignes, il convient de privilégier les fruits, légumes, noix et graines complètes, et de limiter les féculents et les aliments d’origine animale. « Une alimentation riche en plantes et contenant moins d’aliments d’origine animale confère de nombreux avantages à la fois pour la santé et pour l’environnement », explique le professeur Walter Willett dans le rapport de synthèse.

L’alimentation mondiale devrait idéalement réduire de plus de 50% la viande rouge et le sucre, et augmenter d’autant sa consommation de plantes. Toutefois, ces recommandations n’impliquent pas que la population mondiale doive unifier son alimentation : « Une interprétation et une adaptation locale du régime alimentaire sont nécessaires et doivent refléter la culture, la géographie et la démographie de la population et des individus », précise le rapport.

Cinq stratégies pour une grande transformation alimentaire

Si les comportements individuels ont leur importance, seule une transformation mondialisée des systèmes de production – comprenant les activités liées à la production, la transformation, la distribution, la préparation et la consommation – parviendra à nourrir sainement et durablement une population mondiale grandissante. Une transformation aussi radicale du système alimentaire mondial nécessitera « un travail acharné, une volonté politique et des ressources suffisantes », préviennent les auteurs du rapport de synthèse.

Pour y arriver, ils mettent au jour cinq stratégies : un engagement des politiques nationales et internationales, une réorientation des priorités agricoles vers une production diversifiée et de qualité, une intensification de la production alimentaire durable, une gouvernance stricte et coordonnée des terres et des océans pour préserver la biodiversité, et une réduction au moins de moitié des pertes et des déchets alimentaires. Pour chacune de ces catégories, le rapport développe des exemples concrets d’actions possibles.

Loin de se cantonner à l’alarmisme, le rapport EAT-Lancet définit des objectifs scientifiques quantitatifs pour proposer des solutions viables aux grands défis de notre siècle.