Cela fait plus d’un an que l’occasion m’a été donnée de me rendre en ville voir un film au cinéma. À en croire la distribution sporadique et lente des vaccins mis actuellement à notre disposition, je ne suis pas près d’y retourner sous peu. Je dois attendre encore quelques mois avant de me rendre dans une salle de ciné et de m’asseoir sans méfiance à côté d’une personne qui m’est étrangère et qui sans doute me trouvera bien
étrange aussi.
Je ne serai pas du tout surpris de voir les spectateurs porter un masque par habitude et par crainte même si ce ne sera plus obligatoire de nous astreindre à cette restriction une fois le feu vert donné au déconfinement. De plus, personne n’osera tousser durant le film sans craindre de se voir pointer du doigt ou de subir le regard lourd et accusateur d’une assistance encore traumatisée et toujours sous l’emprise de la paranoïa. Gare au jugement dernier d’autrui. Je ne serai pas étonné non plus de nous voir arriver dans la salle, chiffon et bouteille de désinfectant à la main afin de nettoyer le siège sur lequel nous aurons l’intention de déposer notre arrière-train en attendant le début du film. Le monde des salles de cinéma ne sera plus jamais le même. Il va falloir s’y faire.
Vais-je m’y faire ? Rien de moins certain. Il est fort probable que je poursuive cette mauvaise habitude d’être cloué devant mon écran de télévision à regarder, tel un zombi, avachi dans mon fauteuil bien rembourré, les centaines de films qui me sont offert quotidiennement dans le plus grand confort de mon domicile. Je peux mettre le film sur pause et aller vaquer à mes besoins sans manquer une seule seconde de l’intrigue. Je peux me lever de mon siège sans déranger qui que ce soit. Personne devant moi pour me bloquer la vue. Avouez que cette situation frise l’idéal. L’idée de me rendre en ville, de trouver une place de stationnement, de faire la queue, de me précipiter pour obtenir le meilleur siège, ne m’enchante guère. La pandémie m’a rendu paresseux et engourdi.
Les services de diffusion en continu tels que Netflix, Apple, Disney, Amazon, sont en partie responsables de la profonde léthargie dans laquelle je m’enfonce nonchalamment et avec aisance jour après jour de pandémie. Je n’en suis pas fier. Malgré tout, loin de moi l’idée de me faire passer pour une victime de ces plateformes de streaming. J’ai le choix de les regarder ou non. J’en assume la responsabilité et je dois tout de même reconnaître mes faiblesses. Souvent je me laisse entraîner vers la facilité et la passivité. Je regarde les films et les séries télévisées comme je dévore mon popcorn au cinéma : en toute insouciance, en toute inconscience. Comme une éponge j’avale tout sans réfléchir. Je passe d’un film à l’autre, bon ou mauvais, sans me poser de questions. Il m’arrive même parfois le lendemain de me demander ce que j’ai bien pu regarder la veille. La pandémie a fait de moi un abruti, une cervelle sans cervelle.
Pour compenser cette terrible et gênante apathie, je me fais du cinéma. J’imagine un retour à la normale, une période postpandémique où il m’est enfin possible de voir des films nouveaux, originaux, sur grand écran. À l’affiche, une œuvre pique ma curiosité : « Les aventures d’un porc qui pique ». Inspirée de faits réels faisant bon ménage avec la fiction, l’histoire a pour sujet l’habileté et l’efficacité des nations à vacciner leur population. Afin de donner une tournure plus alléchante, le cinéaste a transformé l’opération de vaccination en un concours de jeux de fléchettes en remplaçant les flèches par des seringues remplies d’un des vaccins anti COVID-19. L’idée, vous l’avez compris, est de lancer et de planter l’aiguille le plus près possible du centre de la cible dessinée sur le bras d’un patient impatient. Ensuite il suffit de compter les points afin de déterminer le pays gagnant. Le Canada avec ses francs-tireurs finit, selon l’histoire, par l’emporter. Une nette amélioration par rapport à la réalité des faits.
Autre film à considérer : « G.G. où es-tu ? ». Synopsis : un comité de sélection a été formé afin de trouver le ou la candidat(e) idéal(e) destiné(e) à combler le poste de gouverneur général laissé vacant depuis le départ de Julie Payette. N’ayant cure de possibles reproches, le film s’aventure à convaincre Meghan Markle, la martyre du Royaume-Uni, de présenter sa candidature à ce poste tant envié au Canada. Notre héroïne se fait naturaliser comme il se doit et obtient haut la main le poste. Elle en sort ravie, tout heureuse, et n’oublie pas de faire un grand pied de nez à la royauté.
Ça, voyez-vous, c’est du cinéma.