Enfin ! Me voilà vacciné, Pfizerisé. Oui, j’ai reçu ma première dose il y a maintenant deux semaines de cela. Ça vous donne une idée approximative de mon âge (par coquetterie, je ne vais pas vous le dévoiler ni m’attarder là-dessus). Je me porte très bien. Je n’ai pas ressenti d’effets secondaires majeurs. La piqûre ne m’a pas fait mal. J’ai tout même fermé les yeux car, que ce soit par une seringue ou un moustique, je n’aime pas me faire piquer. Le processus de vaccination s’est déroulé comme il se doit, c’est-à-dire : dans l’ordre, le calme et
la sérénité.
J’en profite au passage pour féliciter le personnel de service mis à notre disposition dont la courtoisie, la patience, l’efficacité et la dextérité furent remarquables au centre communautaire où je fus assigné. L’opération s’est déroulée dans l’entente la plus cordiale. Que demander de plus par les temps qui courent ? Croyez-moi, il n’en faut pas moins pour venir à bout du coronavirus, cet ennemi commun dont la réputation, après plus d’un an de pandémie, n’est plus à faire. Baptisé COVID-19, comme chacun le sait, nom qui aurait pu être celui d’un modèle d’une marque de voiture ou d’un jeu vidéo, ce fléau continue à nous en faire voir de toutes
les couleurs.
Toujours est-il que, depuis quinze jours, ma vie, grâce au vaccin, connaît un nouvel essor. Je revis enfin. À vrai dire je me sens comme le Ever Given, cet énorme porte-conteneurs qui, victime d’une rafale de vent fort, a obstrué le canal de Suez. Après plus d’une semaine d’entrave et de multiples tentatives de rescousse le navire avec son immense cargaison à bord, à force de persévérance, a finalement été sauvé des eaux et a ainsi pu reprendre sa route maritime.
Il en est de même pour moi. J’étais bloqué, coincé, inquiet, dans l’incapacité de savoir si j’allais me sortir ou non de cette impasse pandémique. Le poids de cette immense charge qui pesait sur mes épaules m’a fait toucher le fond. Puis après plusieurs vagues le vaccin est venu me libérer. Je peux donc, d’ores et déjà, envisager des jours meilleurs. La voie me semble libre. Certes je dois toujours porter le masque afin de protéger ceux qui n’ont pas encore eu accès aux vaccins. Toujours dans le but de ne pas contaminer qui que ce soit je continue de maintenir mes distances mais, tout comme le Ever Given, je peux percevoir le libre passage au bout du canal.
Seulement voilà, ma joie n’est pas complète : je note de plus en plus de cas d’infection, de contamination alors que davantage de gens se font vacciner. On nous avait pourtant fait comprendre que le processus de vaccination serait la clef de sortie de nos soucis. Les variantes, ces nouvelles souches venues du Brésil notamment, nous dit-on, seraient en partie responsable de l’ampleur qu’a prise cette troisième vague. Je veux bien le croire mais je ne crains pas d’avancer que le manque de discipline, l’absence de civisme, ajouté à l’incroyable irresponsabilité dont font preuve au sein de notre société certains individus dont l’égoïsme dépasse l’entendement, sont pour beaucoup à l’origine de cette recrudescence de la pandémie.
Devant ce triste spectacle, j’ai honte de l’admettre, j’en arrive presque à souhaiter l’arrivée d’un régime totalitaire, d’un timonier intransigeant. Un régime qui serait là juste pendant les pandémies et qui tirerait sa révérence une fois le virus vaincu.
Le manque de solidarité et de conscience sociale m’affecte au plus haut point. J’en veux même au Dr. Bonnie Henry et à Adrian Dix, le ministre de la santé de la Colombie-Britannique, nos héros des premières heures qui nous avaient inspiré confiance. À la lumière de ce qu’il se passe ces derniers temps, plus de mille cas par jour, je déchante. Par excès de gentillesse, de bienveillance sans doute et à force de vouloir ménager la chèvre et le chou, ils ont fini par nous envoyer dans les patates. J’aurais préféré atterrir sur les roses.
Je suis vacciné, oui, et heureux de l’être, mais je ne peux m’empêcher de rager et de me mettre dans tous mes états. Parlant d’état, voyez l’exemple du Texas où plus de 38 000 spectateurs, la plupart non masqués, se sont amassés pour venir assister à un match de baseball contre toute logique. Alors, d’un côté vous avez les vaccinodromes installés bona fides pour notre bien-être et d’autre part vous avez les imbécilodromes qui eux
gâchent tout.
Pendant ce temps, en nous voyant agir de la sorte, la COVID-19, avec ses variantes, se régale de nos malheurs. C’est à en pleurer. Je rêve maintenant de me faire vacciner contre la possible crise de nerfs.