À la veille de partir en vacances, de retour le 16 août, une petite visite médicale chez mon médecin de famille s’imposait. Ma doctoresse, me voyant, clairvoyante, a trouvé que j’avais vraiment mauvaise mine alors que, mine de rien, je faisais semblant de bien aller dans l’espoir de ne pas trop l’inquiéter. Oui, je suis aux petits soins avec mon toubib. Rien de plus normal si je tiens à ce qu’elle me soigne.
Finalement, j’ai fini par céder. Je lui ai avoué que je me sentais mal, même très mal, que je n’étais pas dans mon assiette, que j’étais prêt à jeter la serviette. Après m’avoir sérieusement examiné et ausculté, elle a finalement conclu que tous mes maux et bobos étaient dus à une sévère allergie causée par une exposition fréquente et soutenue aux récentes nouvelles de l’actualité.
Ensemble nous avons examiné ma situation qui, c’est le moins que l’on puisse dire, n’était pas brillante. Difficultés à avaler, comportement agité, anxieux, signe d’hydrophobie (peur de l’eau); son diagnostic ne tarda pas à venir : « Vous avez la rage », me dit-elle, sûre d’elle. Je n’en menais pas large. « Qui ou quoi vous a mordu ? », s’enquit-elle. « La Cour suprême des États-Unis », lui ai-je répondu, hésitant. « Leur décision d’annuler la constitutionnalité de l’avortement, la fin de l’arrêt Roe vs Wade, m’enrage au plus haut point », lui ai-je confié du fond du cœur. « Un grand pas en arrière, pour ne pas dire une grande enjambée à reculons, vient d’être franchi. Tous ces efforts, toutes ces années passées à donner aux femmes le droit de choisir ce qu’elles veulent faire de leur corps, viennent de subir un cuisant échec. Oui, cela me met en rage. Ma rage ne présage rien de bon. Des années chaotiques se pointent à l’horizon ». Elle en convint : « Oui, vous avez sans doute raison ».
La rage, si j’en crois mon médecin, ne serait pas mon seul souci de santé. Une irritation cutanée sur mon corps est apparue en effet suite à la réunion du G7 en Allemagne. « D’où peut provenir pareille irritation ? », se demanda-t-elle inquiète. Piteusement je lui fis savoir le fin fond de ce qui me démangeait: « Il m’énerve, il m’énerve, il m’énerve », lui ai-je répondu sans prendre de gants. « De qui est-il question ? » poursuivit-elle, curieuse. « De Justin Trudeau, notre premier ministre qui n’en fait qu’à sa guise. Son comportement à la réunion du G7 m’a particulièrement embarrassé. Regardez la photo du groupe parue dans le Vancouver Sun du lundi 27 juin. Tous les leaders, à l’exception de lui et de son chum Boris, font preuve d’une certaine respectabilité, d’un minimum de retenue. Notre Justin national, encore une fois préoccupé par son image, a cru bon d’adopter une attitude super conviviale qui, vu les circonstances (guerres et autres désastres), mérite un comportement infiniment plus digne, plus modeste, selon moi. Chez lui, le fond a touché le fond. Comment voulez-vous qu’un Poutine, heureux, au même instant, de bombarder Kiev et de poursuivre son œuvre dévastatrice en Ukraine, puisse prendre notre premier ministre au sérieux alors que celui-ci semble s’amuser comme un petit fou au sommet du G7 ? Heureusement, à Madrid, à la réunion de l’OTAN, il se calma et n’en fit pas autant. Ma grogne toutefois est à fleur de peau, d’où sans doute mon irritation cutanée ». « C’est fort possible », en convint, incertaine, mon médecin.
« Mais ce n’est pas tout », lui ai-je avoué. « J’ai le cœur serré. Je suis en peine », me suis-je lamenté. « Et que nous vaut ce gros chagrin ? », s’enquit-elle avec tendresse. « La démission de John Horgan au poste de premier ministre de la Colombie-Britannique. Sa décision, bien que compréhensible, me cause bien des soucis, j’en ai des maux de tête et des palpitations au cœur. Dans l’ensemble je trouvais qu’il remplissait bien sa tâche. Depuis que je vis ici, j’en ai vu passer des premiers ministres. De Wacky Bennett à Christy Clark, personne, à ma connaissance, ne lui arrive à la cheville. Il va me manquer. Avec son départ, je m’attends, maintenant, à passer des années tumultueuses… Docteur, qu’en pensez-vous ? ».
Elle prit son temps avant de finalement répondre : « Je vois. Votre cas n’est pas unique. Pour soigner votre santé physique et mentale, je vous conseille, pendant vos vacances, de faire le vide. Déconnectez-vous ». Sur ce, sourire aux lèvres, elle me salua, me souhaita de passer de bonnes vacances et me suggéra tout simplement de prendre mon mal en patience. En suis-je capable ?