Après avoir tenu le haut du pavé de l’actualité au tout début de l’année, à ma grande surprise, le nom du prince Harry, dit duc de Sussex, a disparu de la circulation. Une anomalie facile à réparer. Oyez, oyez, place au duc de Sussex.
Rien qu’avec ce titre (Sussex) je pourrais m’amuser et déblatérer sans fin mais je préfère m’abstenir, de façon à ménager les monarchistes ou toutes autres personnes prudes qui risqueraient de trouver mes remarques trop vulgaires et même déplacées pour ne pas dire désobligeantes.
Alors passons aux choses sérieuses. Comment expliquer cette absence soudaine dans les manchettes ? Le prince se serait-il fait Harry-kiri ? Je ne pense pas. On nous l’aurait dit. Ce prince sans rire veut sans doute nous taquiner dans le genre : « Allez, dites-le, je vous manque déjà ».
J’avoue ne pas trop le comprendre, ce prince caduc. En venant s’installer avec sa famille en Californie non loin de Hollywood, il espérait, j’imagine, qu’après avoir quitté son pays et la famille royale, les paparazzis arrêteraient de le tourmenter ainsi que son épouse, la très médiatisée Meghan Markle, et leurs enfants qui, eux, ne savent pas encore ce qui les attend.
Depuis son exode au pays de l’Oncle Sam où toute la famille Sussex demeure, je constate béatement que le prince et sa princesse ne manquent pas une occasion de faire parler d’eux. Ils prétendent rechercher l’anonymat. Pour l’atteindre, de toute évidence, la discrétion n’entre pas dans leur plan de bataille. J’ai parfois le sentiment que ce gentil petit couple qui ne cesse de se plaindre, en fait ne soit pas à plaindre. Somme toute, si je me fie aux apparences, quoiqu’on m’ait toujours recommandé de ne pas le faire, ces gens-là vivent bien. Ils sont bien logés, bien nourris, bien servis et ne se refusent rien si ce n’est de dénigrer la famille royale. Ce qui, à priori, n’est pas pour me déplaire. Essentiellement, ils voudraient avoir le beurre et l’argent du beurre tout en sachant qu’au royaume des nantis on s’arrange toujours pour mettre du beurre dans les épinards et non dans le caviar qui serait, Harry soit qui mal y pense, un crime de lèse-majesté.
Depuis leur exil, les Sussex développent et moussent leur notoriété en dévoilant les raisons et les dessous de leur mécontentement. Tout a véritablement commencé lors d’une entrevue accordée à Oprah Winfrey au cours de laquelle quelques petits secrets sur la famille royale d’Angleterre sont tombés comme un cheveu sur le potage de la reine d’alors. Puis, poursuivant sur leur lancée, le couple, insatiable, passe sans retenue aux confidences à l’occasion d’une série télévisée sur Netflix. La vie de château en prend un coup. On y apprend que des remarques racistes furent proférées à l’encontre de Meghan Markle. Cette dernière aurait été la cible d’une campagne de dénigration qui a conduit le couple à fuir l’ambiance toxique qui régnait au sein de la monarchie.
Finalement, pour couronner le tout, au cours d’une campagne de lancement fort bien orchestrée, le prince Harry publie Spare, un livre du genre « je vais tout vous dire », qui dès sa parution fait sensation. Il s’en prend notamment à son (faux-)frère, à sa belle-(question de goût)-sœur ainsi qu’à la reine consort, à tort ou à raison. Depuis, Harry, le mal-aimé royal, fait la tournée des shows télévisés en Amérique. Dans l’ensemble, il fait bonne figure. Et je m’écrie « A star is born ». Hollywood va s’emparer de lui. Tom Cruise, Georges Clooney, Tom Hanks, poussez-vous, cédez-lui la place, hurry, Harry s’en vient. Sur les écrans bientôt sortiront une variété de films le mettant en vedette. Vous pourrez ainsi voir : Le duc s’éduque, Autant en emporte Meghan, Le grand rouquin à la cheville enflée, Les corgis aboient mais la caravane devant Buckingham passe, Harry rencontre Willy, Kate aux pays des horreurs, Spare ou compter pour du beurre. Harry, si le temps le lui permet, pourrait écrire un autre best-seller : Comment éviter de geler son pénis en se rendant au pôle Nord. Ainsi, avec ces succès, les Sussex n’auront pas de mal à gagner leur soi-disant misérable vie.
Je n’ai pas l’intention de lire Spare et pas davantage le livre de Bill Morneau qui vient lui aussi de paraître. L’ancien ministre des Finances du gouvernement Trudeau, sous le couvert de quelques conseils concernant nos problèmes économiques, en profite pour régler ses comptes avec son ancien patron. Comme quoi les mémoires, en tant qu’œuvre littéraire, sont avant tout des actes de vengeance que l’on mange quand il fait froid et qui servent de thérapie à leurs auteurs. Ne comptez pas sur moi pour les lire. J’ai d’autres livres à feuilleter.