Depuis une semaine, au grand soulagement de la plupart des parents, élèves et étudiants sont retournés en classe où les écoles les attendaient de pied ferme prêtes à leur enseigner les rudiments de la vie.
La rentrée scolaire demeure encore un événement majeur pour les mères et les pères soucieux du destin réservé à leur progéniture. Pour les autres, les « sans enfant », qui estiment que ce retour des élèves à l’école a autant d’importance dans leur vie que la prise de pouvoir d’une reine dans une ruche d’abeilles, cette rentrée ne change absolument rien dans leurs habitudes, si ce n’est l’inconvénient du retour des embouteillages aux heures de pointe.
Conscient des bienfaits que peut apporter une bonne éducation mais certain aussi des graves répercussions qu’un enseignement inadéquat peut engendrer, chaque année, au moment de la rentrée scolaire, à juste titre, je me fais du souci. Je me préoccupe du sort réservé à tous ces bambins dont le futur demeure incertain. Pourront-ils, ces gamins et ces gamines, affronter et surmonter avec sérénité les innombrables écueils auxquels ils devront faire face ? Que va-t-on leur enseigner ? Va-t-on tout leur dire ? Va-t-on leur faire croire que le monde date de quelques millénaires seulement et qu’il a fallu tout juste six jours au Créateur pour le façonner avant de fermer boutique et de se reposer sur ses lauriers ? Quel genre de théorie sur l’origine du monde va-t-on leur inculquer ? Aura-t-on le courage de leur dire que le Messie n’est pas un joueur de soccer qui se fait payer des millions de dollars à taper dans un ballon de foot pour une équipe de Miami ?
D’autres questions, purement pratiques celles-ci, me turlupinent également et méritent d’être soulevées : doit-on autoriser les élèves à venir en classe en possession de téléphones intelligents qui, à la longue, un jour ou l’autre, vont bien finir par les rendre bêtes ? Pense-t-on, du revers de la main, se débarrasser de l’écriture cursive comme certains pontes l’envisagent ? Mais pire encore : que dire de la présence, même discrète, de policiers armés dans les écoles afin, soi-disant, d’assurer la sécurité des élèves ? L’expérience peut être troublante et même traumatisante pour des enfants en pleine croissance. Pourquoi, je suggère, ne pas transformer cette problématique en un moment ludique intitulé « Mais où est le flic » ? Pour tous les élèves il s’agirait, pendant la récréation, de démasquer le policier qui se camoufle parmi eux. Le ou la gagnant(e) se verrait attribuer une bourse qui lui permettrait de poursuivre des études de fin limier dans une école de la police montée (contre qui ? Allez savoir).
Oui, comme vous pouvez le constater, l’éducation de nos enfants, qu’ils soient de la patrie ou non, me crispe. Elle me tient éveillé (moi qui dors si peu déjà) et me laisse perplexe. Et ce n’est pas tout mon toutou.
Maintenant, la cerise sur le gâteau ou, plutôt, le bonnet d’âne sur l’éducation, je ne peux pas ne pas aborder la question embarrassante qui entoure la querelle autour de l’écriture inclusive ou rédaction épicène comme disent les spécialistes qui veulent toujours se faire passer pour des gens spéciaux. Les mots et leurs nuances, j’en conviens, ont de l’importance. Nous devons les soigner et parfois même les protéger mais nous ne pouvons ignorer les revendications de ceux et celles qui se battent farouchement afin de faire évoluer le langage de manière à le rendre équitable. En vue de tout changement, évidemment, une certaine prudence s’impose mais parfois l’audace, le courage doit prévaloir. Au milieu de cet imbroglio il doit bien y avoir un juste milieu. Il incombe aux académiciens de nous sortir de cette ornière qui ne peut créer que confusion dans l’esprit de ces bambins en quête de savoir.
Devant pareil dilemme comment satisfaire les personnes non binaires qui ne se reconnaissent pas dans les « ils » ou les « elles » ? Quel pronom non sexospécifique pourrait combler ce déficit linguistique ? Question un tant soit peu épineuse, fort délicate, à prendre avec des pincettes. Indécis, un peu lâche, désireux d’éviter à tout prix la guerre des genres, penaud, battant de l’aile, je m’envole sans faire de zèle, à la recherche d’une presqu’île où je pourrais trouver refuge.
Ceci dit, malgré toutes ces questions qu’engendre la réouverture des écoles, je tiens à apporter mon total soutien à tous ces enseignants dévoués, qui, comme leurs élèves, sont retournés eux aussi en classe. Sans ces profs je ne serais pas ce que je suis et ce que je suis je ne suis pas près de le savoir à moins de revenir sur les bancs d’école : ce que je m’apprêtais à faire. Trop tard, malheureusement. Fallait s’y attendre : élève dissipé, j’ai une fois de plus manqué la rentrée.