Nous avons mis un pied sur mars. Mars, le mois comme la planète, dois-je le rappeler, tire son nom de l’ancien dieu romain de la guerre. Les Romains en fait ne s’étaient pas gênés de copier les Grecs sans pour autant leur payer des droits d’auteur. Le plagiat à l’époque devait être monnaie courante.
Nous voilà donc en mars, mois du dieu de la guerre comme je le mentionnais. Ce dieu doit se sentir bien à l’aise chez nous en ce mois qui ne manque pas de mines. Ce ne sont pas les conflits qui manquent pour satisfaire son appétit. À moins d’un revirement de situation exceptionnel d’ici la parution de cette chronique, la guerre russo-ukrainienne ainsi que celle opposant Israël au Hamas à Gaza ne semblent ni près ni prêtes d’en finir. La paix, bien qu’on aimerait l’espérer, ce n’est pas pour demain la veille qu’on l’obtiendra. Les faucons chassent la colombe qui, elle, bat de l’aile. Un cessez-le-feu, je ne vous apprends rien, n’est pas la paix mais un répit avant de reprendre les hostilités de plus belle lorsque l’un des deux ennemis le jugera opportun. Mars, regrettablement, ne tient pas à baisser les bras et rendre les armes.
Tout en changeant de sujet sans pour autant éviter celui de la guerre dont mars demeure l’invité d’honneur, il m’est impossible d’ignorer la cérémonie des Oscars. Oppenheimer, le film de la seconde guerre mondiale consacré au père de la bombe atomique devrait l’emporter haut la main selon les critiques qui, pour une fois, ne tiennent pas particulièrement à se faire la guerre. J’avoue, cependant, en ce qui me concerne, avoir une certaine préférence, une énorme faiblesse pour le film Winter break (the Holdovers) d’Alexander Payne. Ce petit film, fort simple mais bien conçu, m’a ramené plusieurs décennies en arrière, loin dans mon enfance lorsque moi aussi, après avoir connu la guerre des boutons, j’ai dû rester au pensionnat, avec une poignée d’élèves seulement, lors des vacances de Noël. Un bien triste moment dont heureusement je me suis facilement remis. Les bons films servent parfois à cela : vous rappeler une tranche de votre vie qui vous avait échappé et la voir enfin remise dans un contexte historique.
Mars, rassurez-vous, n’est pas uniquement le mois du dieu de la guerre. Mars a aussi son charme. Le mois est celui de la transition : fin de l’hiver, début du printemps. Rangez vos skis et sortez vos crampons ainsi que vos bâtons de baseball. Préparez-vous à planter vos choux et vos patates. Contemplez les bourgeons et surtout admirez vos jonquilles car elles sont la fleur emblématique du mois. Elles représentent l’espoir et la vitalité, la renaissance et le renouveau. Quand vous croiserez une jonquille pensez lui faire signe.
Le 10 mars, ne pas oublier non plus d’avancer l’heure. Ainsi nous perdrons une heure mais, puisqu’en février nous avons gagné une journée, nous ne perdons rien au change. Je me demande comment les astronomes et les mathématiciens s’y retrouvent au milieu de toutes ces considérations. Une fois de plus, semblable à une fièvre récurrente, journalistes et politiciens, ceux qui n’ont rien d’autre à faire sinon de s’embarquer dans des querelles futiles, vont remettre en question le bien-fondé de ce changement d’heure exécuté deux fois par an. Êtes-vous pour ou contre remettre à chaque fois les pendules à l’heure ? En somme nous assistons, las et désabusés, à un débat inutile et à des chamailles insipides qui ne nous avancent guère. Tant que ça ne déclenche pas une guerre, je ne vais pas trop me plaindre.
Et puis, c’est de bonne guerre, à la fin du mois, en conclusion, la Semaine sainte menant à Pâques se pointe à l’horizon en forme d’un capuchon dont la fonction majeure est de boucler le bec au mois. « Fais attention mon lapin à ce que tu dis. Tu vas te faire sonner les cloches si tu te comportes comme un œuf dans une soupape » me prévient cette petite voix interne qui me sert de conscience, me censure et a tendance à raconter n’importe quoi. Ne voulant offusquer personne, je me contenterai de faire valoir tout simplement, sans arrière-pensée, que cette année, ce n’est pas une blague, le lundi de Pâques, jour de la résurrection, tombe un 1er avril et échappe ainsi à mars. Je vois déjà quelques plaisantins abuser de cet accroc quasi exceptionnel en cette année bissextile. Je ne veux donc pas m’apparenter à cette bande de fripons. Dans mon esprit il n’existe aucun doute : une fois de plus cet accident du calendrier grégorien doit être imputé aux Romains. « Ils ont bon dos ces Romains » doit penser Astérix qui ne manquait pas de leur faire la guerre.