Repenser les villes avec l’aide des artistes

  Urban Vernacular, 2013, par Laura St. Pierre présente des oeuvres centrées autour de l’urbanisme au coeur de la nature. | Photo par Will Pemulis

Urban Vernacular, 2013, par Laura St. Pierre présente des oeuvres centrées autour de l’urbanisme au coeur de la nature. | Photo par Will Pemulis

Les coupures de courant dues aux extrêmes intempéries à Toronto au domicile de Janine Marchessault ne pouvaient pas fournir un meilleur – mais triste – exemple des effets du dérèglement climatique pour sa conférence sur le futur de l’urbanisme.

La lauréate de la prestigieuse fondation Pierre Elliott Trudeau vient tirer la sonnette d’alarme à l’Université Emily Carr à Vancouver le 21 janvier. « C’est une réalité! Le climat change, les catastrophes naturelles liées aux problèmes de climat se multiplient, » s’exclame t-elle.

Janine Marchessault dénonce la manière isolée et dictatoriale dont les politiques et promoteurs immobiliers planifient nos villes, ce qui contribue aux problèmes environnementaux. « Nous ne pouvons plus penser “ceci est à moi, j’en fais ce que je veux!” Nous sommes à une époque où nous ne pouvons plus organiser nos villes de manière isolée », affirme le docteur et professeur de cinéma et d’audiovisuel à l’Université de York en Ontario.

Elle souhaite générer une réflexion sur les problèmes que nos villes rencontrent au 21ème siècle – écologie, économie, intégration, ou encore agriculture. « Nos villes se doivent de fonctionner. Nous devons tout repenser. » Et elle propose une solution différente: faire appel aux artistes pour créer un dialogue avec les différents acteurs, y compris les promoteurs immobiliers. C’est le message de l’exposition grandeur nature Land|Slide: Possible Futures, sur laquelle elle travaille depuis 3 ans. Située sur un site classé historique, dans la ville anciennement industrielle de Markham (au sud de Toronto,) 30 œuvres contemporaines sont exposées en plein air, toutes centrées autour du thème de l’urbanisme. « Je souhaite explorer les limites et le futur du développement de nos villes, » affirme la conservatrice de l’exposition, qui travaille depuis 10 ans sur la question de la tension entre économie et écologie en milieux urbains.

Pas seulement une critique de la société

Pour elle, l’art offre une vision avant-gardiste, fraîche au problème. Avec leurs propres langages, les artistes abordent la notion d’identité des villes, et ouvrent le débat là où les politiques, les urbanistes, et les règlements municipaux échouent.

Janine Marchessault tire la sonnette d’alarme.

Janine Marchessault tire la sonnette d’alarme.

« Les œuvres abordent la question d’où la ville se termine et où la nature et le monde rural prennent le relais. Cette frontière s’est déplacée, en avant ou en arrière, je ne sais pas…mais lequel est le mieux? Il s’agit d’une ville [Markham] bâtie sur un terrain qui a une valeur agricole importante. »

Cette ville n’est qu’un exemple, mais selon elle, le problème se pose aux quatre coins de la planète. « En ce qui concerne le développement des villes, progrès ne signifie pas toujours expansion, » précise-t-elle.

D’ailleurs, elle exporte maintenant son exposition en Chine, là où son message s’avère plus vrai que jamais. En effet, Land|Slide, qui a attiré plus de 7000 visiteurs au Canada, représente officiellement le pays au Bi-city Biennale de l’Urbanisme et d’Architecture à Shenzhen et Hong Kong en 2013 et 2014.

Cependant, Janine Marchessault refuse de voir son exposition comme une simple critique de notre société. C’est pourquoi la curatrice tient à faire participer les promoteurs à ce dialogue qu’elle souhaite public. Ils ont ignoré son invitation. « C’est mon seul regret! » déclare la Montréalaise.

Mais Pierre Gallant, le président de l’Institut des Architectes de Colombie-Britannique, rappelle que les grandes villes ont déjà une immense bureaucratie, y compris Vancouver. Il ajoute qu’il y a des consultations publiques lorsqu’il y a des changements aux arrêtés municipaux, ainsi que pour les constructions majeures. Et si l’architecte et directeur senior de la firme Morrison Hershfield de la région partage le point de vue que le public a son mot à dire sur les développements immobiliers, il rappelle qu’il faut garder un équilibre pour des raisons pratiques. « Trop de bureaucratie a pour conséquence d’augmenter les coûts, qui sont ensuite repassés aux consommateurs. ».

Buying & Selling, 2013, par Department of Unusual Certainties. | Photo par Will Pemulis

Buying & Selling, 2013, par Department of Unusual Certainties. | Photo par Will Pemulis

Une des villes les plus progressistes du Canada

Janine Marchessault admet que Vancouver est bon élève: « Vancouver est une des villes les plus progressistes du Canada en ce qui concerne la consultation du public. »

Alors comment trouver un équilibre? « Le soi-disant équilibre est au cœur des discussions, le débat continue, » conclut Pierre Gallant. Rendez-vous le 21 janvier donc.

Lecture Trudeau 2012
Lauréate Janine Marchessault
Débat public : art, urbanisme, et engagement civique au 21ème siècle
Mardi 21 janvier 2014
De 18h à 19h30
Théâtre Emily Carr Lecture, SB Room 301
Suivie d’une réception dans la galerie Charles H Scott