Le pape ôté

Photo par Catholic Church (England and Wales)

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Le pape est peut-être infaillible, mais il n’est pas sans défaut, comme on a pu s’en rendre compte dernièrement avec sa soudaine démission ou plutôt, devrais-je dire, son abdication.

Je ne lui en veux pas, à ce Benoît XVI, de vouloir se retirer et de ne pas aller au bout de son mandat. Bien au contraire. J’admire son geste. Après tout, il vient de prouver qu’il est humain comme vous et moi. C’est ce que je me suis dit, alors que j’étais entrain de papoter avec quelques amis, en apprenant le départ prévu du pape pour la fin du mois.

Le Saint-Pépère nous a pris par surprise. Il donnait pourtant l’impression d’apprécier son emploi. Comme quoi, il ne faut jamais se fier aux apparences, car comme tout le monde le sait : l’habit ne fait pas le pape. Mais quand même, qu’il renonce à son pontificat, je ne m’y attendais pas.

Le phénomène est rare. Le dernier abandon en date remonte au XIIIème siècle. C’est vous dire jusqu’à quel point la nouvelle nous a pris de court. Cela a créé des remous. La tension en est encore palpable. La scène papale fait palpiter les peuples. Nous avons pu en palper le pouls lorsque la nouvelle nous fut parvenue, comme aurait pu dire l’affable La Fontaine.

Benoît va donc ainsi entrer dans l’histoire en prenant la petite porte de sortie du Vatican. Indiquant une grande fatigue, due à son âge avancé (85 ans) et une non moins grande lassitude morale, il a décidé de jeter l’éponge, celle-ci même qu’il a tenté, sans beaucoup de succès, de passer sur les nombreux scandales qui ont marqué son pontificat.

En gros, disons les choses telles qu’elles sont : l’homme à la tiare ou à la mitre, selon l’humeur ou le goût du jour, en avait plein la barrette. Si vous préférez et si vous voulez bien me pardonner cette expression pas très catholique, le descendant de Saint-Pierre en avait ras-le-bol.

Je le comprends, ce cher Benoît, seizième du nom et non de l’arrondissement. C’est tout à son honneur d’avoir reconnu ses limites. Il a, en quelque sorte, fait preuve d’humilité et de sagesse. Il fallait du courage et du cran pour en arriver à cette décision. Il l’a prise en toute conscience, sachant très bien que l’histoire ne serait pas généreuse à son égard.

Il aurait pu, comme Lance Armstrong, se doper. Prendre des stupéfiants et continuer de jouer son rôle à fond devant ses ouailles stupéfaites. Nul ne s’en serait aperçu. À ce que je sache, il n’y a pas de contrôle d’urine dans les caves du Vatican après chaque homélie. Personne, à ma connaissance, n’a été contrôlé positif au Saint-Siège depuis la disparition des Borgias.

Rendons donc hommage au pape sortant de ne pas avoir eu recours au dopage. A-t-il été tenté ? Dieu seul le sait et, puisqu’il en est le représentant sur terre, si l’on en croit les Saintes Écritures, il aurait pu facilement se le faire pardonner. Compte tenu du fardeau des responsabilités qui pèse sur ses épaules, personne ne lui en aurait voulu. Imaginez-vous, il doit s’occuper de plus d’un milliard deux cents millions d’ouailles. Ça fait du monde à la messe en host… comme dirait ma belle-sœur de Trois-Rivières.

Benoît XVI avait besoin de toutes ses facultés pour exercer pleinement, en toute capacité, sa fonction pontificale. De toute évidence, il ne les possédait plus entièrement à ce stade-ci de sa vie. Les souliers de Saint-Pierre sont devenus trop grands ou trop difficiles à porter. Bien que rouges, comme le veut la tradition, ils n’étaient pas à sa mesure. Au Vatican, comme ailleurs, il est impératif de trouver chaussure à son pied impérial. Surtout lorsque vous devez marcher sur des œufs à Pâques ou toute l’année.

Épuisé, fragilisé par les scandales des prêtres pédophiles, ainsi que par sa décision de réintégrer des évêques de la mouvance Lefebvriste, dont le négationniste Mgr Richard Williamson, Benoît XVI n’accèdera certainement pas au temple de la renommée de la sainteté. Il aura peut-être une place au paradis. Rien de garanti. Un strapontin à la limite pour service rendu.

Après tout, son pontificat aura tout de même duré huit ans. Ce n’est pas si mal au fond. Cela représente deux mandats de suite, le maximum permis, pour les présidents américains.

Pour conclure ce premier chapitre, souhaitons à Benoît XVI, ce bavarois qui en a bavé, une retraite en bon ordre.

La suite, le dernier chapitre (l’élection du futur pape) au prochain numéro.