L’histoire des Japonais de Colombie-Britannique sur les écrans

Deux films pour célébrer Hinamatsuri

Deux films pour célébrer Hinamatsuri

Que l’on soit d’ici ou d’ailleurs, on entend peu souvent parler de l’histoire, pourtant chargée, des japonais en Colombie-Britannique. Le Centre culturel Nikkei de Burnaby a décidé de nous la faire partager pour célébrer le traditionnel Hinamatsuri, « le festival de la poupée », le 2 mars prochain.

Deux films poignants seront à l’honneur : Reiko’s Hina Dolls (Les poupées de Reiko) et Kimiko Murakami: Triumph over Internment (Kimiko Murakami surmonte l’internement), retraçant tous deux l’histoire de familles bouleversées par les conséquences des tensions entre le Japon et l’Occident. Celle de ces immigrants japonais arrivés dans la province avant la Seconde guerre mondiale, avec pour seuls bagages quelques sacs et une volonté de fer, et pour qui l’attaque de Pearl Harbor a tout changé.

En décembre 1941, à la suite de l’attaque, le Gouvernement fédéral canadien décide de créer des camps d’internement à travers la province, où seront envoyés les ressortissants japonais. Des centaines de familles sont alors déportées, séparées, forcées à vivre dans des camps d’internement, souvent dans des conditions déplorables. A la fin de la guerre, un choix leur est offert : rentrer au Japon ou être envoyés dans d’autres provinces pour servir de main d’œuvre dans les fermes. Ce n’est qu’en 1947, six ans plus tard, que les ressortissants japonais du Canada retrouveront leur liberté, durement gagnée.

Les poupées de Reiko

Une famille japonaise fait son grand emménagement en Colombie-Britannique en 1935. Peu de temps après son arrivée, la petite dernière de la famille reçoit un colis du pays qu’elle vient de quitter : une magnifique collection de poupées traditionnelles censées protéger les petites filles. Mais la guerre éclate et la famille refuse de se plier aux consignes du gouvernement. Les poupées deviennent le symbole de leur unité et de leur fragilité, accompagnant leur fuite.

Le sujet n’est pas facile à aborder, comme en témoigne Komaki Matsui, la réalisatrice : « Ce n’est pas le genre de sujet dont les gens veulent discuter. Ceux qui ont subi la déportation ne veulent généralement pas en parler non plus ». D’après elle, il est essentiel de rappeler ce que les anciennes générations ont vécu. « Il ne faut pas que ce sujet soit tabou ».

Yumiko Hoyano, l’auteure de la nouvelle qui a inspiré le film, raconte que cette histoire est semblable à celle de nombreuses familles japonaises résidant au Canada à l’époque. « Chaque Japonais-canadien qui a été déporté depuis la côte ouest a une histoire à raconter. (…) Si nous ne partageons pas leurs histoires maintenant, elles seront perdues à jamais. »

C’est ce devoir de mémoire qui l’a poussée à écrire sa nouvelle. « Nous n’avons plus beaucoup de temps », confie-t-elle.

Kimiko Murakami surmonte l’internement

Mary Kitagawa raconte son enfance durant la Seconde guerre mondiale, de Salt Spring Island aux camps d’internement. Elle explique comment elle a été déportée, à l’âge de sept ans, avec sa mère et ses quatre frères et sœurs vers l’intérieur de la Colombie-Britannique après l’attaque de Pearl Harbor.

« J’avais sept ans et je me souviens parfaitement de la nuit de notre arrivée à Hastings Park sur Salt Spring Island. L’odeur d’urine et de déjections qui y régnait, la découverte de la grange dans laquelle nous allions devoir vivre, l’absence de toilettes,… Je m’en souviens très clairement. »

Séparée de son père, puis envoyée dans une ferme en Alberta, elle attendra cinq longues années pour retrouver son île d’origine, Salt Spring Island, ainsi que sa liberté.

Depuis, Mary s’attèle à faire partager l’histoire des ressortissants japonais en Colombie-Britannique, trop souvent passée sous silence. « Mon but premier est de raconter ce que les Canadiens d’origine japonaise ont traversé, » dit-elle.

Mary s’indigne de la quasi-absence de cet épisode dans les programmes éducatifs : « Avant 1977, il n’y avait presque rien d’écrit au sujet de notre histoire dans les livres d’histoire canadiens. Je veux informer les gens. Beaucoup n’en reviennent pas lorsqu’ils apprennent ce qu’il s’est passé au Canada. »

Elle explique que le silence s’est installé des deux côtés, par volonté d’oublier. « Les première et deuxième générations de ressortissants japonais sont surnommées la génération silencieuse. Ils n’ont rien dit à leurs enfants de ce qui leur était arrivé, » explique Mary.

Elle se charge justement de briser ce silence depuis des années, en s’étant notamment battue avec acharnement pour remettre aux anciens étudiants de UBC d’origine japonaise, un diplôme Honoris Causa, 70 ans après leur déportation.

Malgré les épreuves subies, Mary a décidé de rester dans la province qu’elle aime tant. « Lorsque nous avons été déportés, mon père a décidé qu’il n’abandonnerait pas le rêve qu’il avait commencé à construire sur Salt Spring Island. Il nous disait tout le temps, qu’un jour, le Canada retrouverait la raison et nous rendrait notre liberté. »

Ses parents disaient qu’il ne fallait pas être triste, qu’il ne fallait pas oublier ce qu’ils avaient vécu, mais qu’il fallait pardonner. Et ils ont pardonné au Canada.
Deux films émouvants à ne pas rater.

 

Reiko’s Hina Dolls et Kimiko Murakami: Triumph over Internment

En japonais avec sous-titres anglais
Samedi 2 mars
de 14h à 16h
Entrée $5
Membres & seniors $3
Nikkei Cultural Centre
6688 Southoaks Crescent,
Burnaby
www.nikkeiplace.org
604.777.7000